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mardi 10 septembre 2019

Jean Giono : Le chant du monde

Le chant du Monde de Giono
Dans Le chant du Monde de jean Giono, Antonio, l’homme-fleuve, part avec son ami Matelot, bûcheron et ancien marin, à la recherche du besson* nommé Danis (son prénom ne figure qu’une fois dans le roman), le fils de ce dernier. Le jeune homme parti couper du bois dans les montagnes, devrait être rentré dans le « Bas-Pays » sur les radeaux de troncs que le fleuve charrie pour les hommes. L’automne est là mais il n’est pas encore revenu. S’est-il noyé ? 
C’est le début d’un périple au cours duquel Antonio en remontant le fleuve, recueille une jeune femme aveugle, Clara, en train d’accoucher toute seule, en pleine nature. Il la confie à une vieille femme, "gardienne de la route " puis il parvient au Pays Rebeillard, le « Haut-pays », où les deux hommes retrouvent le besson réfugié chez Toussaint, le guérisseur. Il ne peut plus sortir de cette maison car sa vie est en danger. Le besson a enlevé Gina, la fille de Maudru, grand propriétaire terrien, éleveur de taureaux, patron tout-puissant des tanneries et industries de la ville et il a tué le prétendant de Gina, neveu de Maudru. Ce dernier veut sa mort et avec ses hommes veille à ce qu'il ne puisse s’échapper. Une lutte implacable s’engage alors entre Antonio et Maudru

* jumeau

J’ai lu une première fois Le chant du monde quand j’étais adolescente et j’en avais gardé un souvenir ébloui, j’avais été prise immédiatement par cette prose poétique où retentit le chant de la nature. Aussi avais-je peur d’être déçue par cette relecture près de cinquante après.
Au début, je n’ai d’ailleurs pas adhéré tout de suite. Peut-être n’ai-je plus le don comme lorsque j’étais jeune de tout accepter et de me laisser emporter spontanément et suis-je trop dans l’analyse, dans la critique ?  J’ai eu l’impression que le style avait vieilli, j’ai été submergée par la densité de cette prose, l’avalanche des métaphores, la richesse des comparaisons. Puis, peu à peu, j’ai été prise par la poésie de l’image, j’ai glissé dans un autre monde où tous les sens sont sollicités et se répondent, la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher, tout participe à ce merveilleux chant du monde, toute la nature s’anime, tous les éléments qui la composent bruissent d’une seule voix universelle où l’homme n’est pas Tout mais fait parti du Tout. Le réalisme de la description est bien présent mais n’est qu’apparent, et le lecteur sent que d’autres mondes se cachent derrière le premier. Un panthéisme anime les scènes et nous apprenons que le bonheur est là pour l’homme qui connaît sa place, qui ne se croit pas supérieur mais qui apprend à connaître la force de la nature et à l’accepter. Tout est vivant, tout participe à l’essor du monde.

Subitement il fit très froid. Antonio sentit que sa lèvre gelait. Il renifla. Le vent sonna plus profond; sa voix s’abaissait puis montait. Des arbres parlèrent; au-dessus des arbres le vent passa en ronflant sourdement. Il y avait des moments de grand silence, puis les chênes parlaient, puis les saules, puis les aulnes; les peupliers sifflaient de gauche et de droite comme des queues de chevaux, puis tout d’un coup ils se taisaient tous. Alors, la nuit gémissait tout doucement au fond du silence. Il faisait un froid serré. Sur tout le pourtour des montagnes, le ciel se déchira. Le dôme de nuit monta en haut du ciel avec trois étoiles grosses comme des yeux de chat et toutes clignotantes.

Nous sommes dans un univers où l’on ne sait plus trop bien la limite entre les différentes composantes de la nature, l’homme est-il fleuve, ou bien le fleuve est-il humain ? animal ?  végétal ?

"Il avait regardé tout le jour ce fleuve qui rebroussait ses écailles dans le soleil, ces chevaux blancs qui galopaient dans le gué avec de larges plaques d'écume aux sabots, le dos de l'eau verte, là-haut au sortir des gorges avec cette colère d'avoir été serrée dans le couloir des roches, puis l'eau voit la forêt large étendue là devant elle et elle abaisse son dos souple et elle entre dans les arbres. "

"Le matin fleurissait comme un sureau.
Antonio était frais et plus grand que nature, une nouvelle jeunesse le gonflait de feuillages."

Tout se mêle dans une magnifique union au cours de laquelle la magie opère, notre vision se dédouble, se multiplie, pour se perdre dans une cosmogonie où se confondent l’eau, la terre, l'air et le feu, où l’on assiste à travers les trois saisons du roman, l’automne, l’hiver et le printemps, au cycle éternel de la mort et de la renaissance, au cycle du Temps tout puissant.
 Et puis il y a cette Provence décrite par Giono, si vraie et si étrange à la fois, avec la cité blanche et ses tanneries, jamais nommée, mais qui ne peut-être que Manosque, la ville natale de l’auteur; son fleuve qui n’est autre que la Durance. On reconnaît bien des lieux dans le roman et pourtant comme le revendique l’auteur lui-même :
« C’est une Provence inventée, un Sud inventé comme l’a été le Sud de Falukner. J’ai inventé un pays, je l’ai peuplé de personnages inventés, et j’ai donné à ces personnages inventés des drames inventés… Tout est inventé »

Les jeux crétois
C’est que Jean Giono nourrit dès l’enfance aux classiques grecs et latins, substitue à la Provence proprement dite, la Grèce de l’époque antique. Le voyage d’Antonio au Pays-Haut tient à la fois de l’Odyssée et de l’Iliade. Les héros sont des personnages épiques, à l’épithète homérique, Clara « aux yeux de menthe », Danis, " le besson aux cheveux rouges", Toussaint « celui qui vend des almanachs » (le dieu du Temps?) et  Antonio, surtout, "l’homme du fleuve" ou encore "Bouche d’or", Antonio semblable, lui aussi, à une divinité de la nature … Mais si Antonio en accomplissant ce voyage jusqu’au pays des montagnes ressemble bien plus à Ulysse qu’à un pêcheur provençal, on peut dire que Maudru qui parle la langue des taureaux "aux cornes en lyre effilée" est plus proche de Minos et de la Crète d’où s’est propagé le culte du taureau  dans tout le bassin méditerranéen, que d’un bouvier camarguais. 

Les taureaux "aux cornes en lyre effilée"
La guerre  à laquelle ils se livrent pour la  liberté du besson et de la belle Gina, enlevée comme Hélène non à son mari mais à son père, rappelle celle de Troie.  Le domaine de Maudru en flammes est la dernière vision que nous aurons du pays Rebeillard, ce pays fantasmé, compromis entre les plateaux et montagne de la Haute-Provence chers à Giono et un pays mythique qui n’existe que dans l’imaginaire de l’auteur.

Jean Giono
« L’hiver au pays Rebeillard était toujours une saison étincelante.(…) Le jour ne venait plus du soleil seul, d'un coin du ciel, avec chaque chose portant son ombre, mais la lumière bondissait de tous les éclats de la neige et de la glace dans toutes les directions et les ombres étaient maigres et malades, toutes piquetées de points d’or. On aurait dit que la terre avait englouti le soleil et que c'était elle, maintenant, la faiseuse de lumière. On ne pouvait pas la regarder. Elle frappait les yeux : on les fermait, on la regardait de coin pour chercher son chemin et c'est à peine si on pouvait la regarder assez pour trouver la direction ; tout de suite le bord des paupières se mettait à brûler et, si on s'essuyait l'œil, on se trouvait des cils morts dans les doigts. Ce qu'il fallait faire c'est chercher dans les armoires des morceaux de soie bleue ou noire. Ça se trouvait parfois dans les corbeilles où les petites filles mettent les robes des poupées. On se faisait un bandeau, on se le mettait sur les yeux, on pouvait alors partir et marcher dans une sorte d'étrange crépuscule qui ne blessait plus »

Quel beau roman riche, foisonnant ! Etrange, poétique, un livre où l’on doit lire à la surface mais aussi en profondeur, en transparence, tout ce qui est suggéré, tout ce qui est présent sans être dit. La lecture au premier degré à l’adolescence fut pour moi un véritable bonheur mais j’ai tout autant goûté cette nouvelle lecture qui va au-delà. Un chef d’oeuvre !

J’aimerais pouvoir le citer en entier mais… Aussi avant de vous quitter, je vous laisse apprécier ce nouveau passage, un véritable régal que je lis et relis avec gourmandise !

"Regarde, dit Matelot, depuis trois nuits le grand bateau est amarré là devant."
La lune éclairait le sommet des montagnes. Sur le sombre océan des vallées pleines de nuit, la haute charge des rochers, des névés et des glaces montait dans le ciel comme un grand voilier couvert de toiles.
"Quel bateau?" dit Antonio.
Matelot montra la fenêtre
"Celui-là, là dehors
"C'est la montagne, avec de la neige et de la lune.
-Non, dit matelot, c'est le bateau"
Dehors, la montagne craquait doucement dans le gel comme un voilier qui dort sur ses câbles.
"Je ne veux pas partir, dit Matelot, je fais encore besoin sur la terre. Et je lui dis : "Va-t-en, démarre, flotte plus loin."
-Qu'est-ce que tu crois donc?
-La mer ne nous lâche jamais, dit Matelot, si elle revient, c'est que mon temps est fini ici-bas.
-Un mauvais rêve" dit Antonio
Les glaciers gonflaient leurs hautes voiles dans la nuit. Les forêts grondaient.
"Pour les rivages de la mort, dit Matelot. "

dimanche 17 septembre 2017

La Camargue patrimoine naturel et Joseph d' Arbaud : la bête du Vaccarès


 Salin-de-Giraud

Les salins de Camargue

Pour la journée du patrimoine nous avons amené notre petite-fille en Camargue à Salin-de-Giraud car la nature est aussi un patrimoine précieux. Là, un paysage pittoresque et surprenant s'offre à nous.

Située dans le delta du Rhône, près d'Arles, la ville exploite le sel depuis des temps anciens. Au XIX siècle deux entreprises se sont installées sur son sol. C'est ainsi que le paysage a été façonné par l'homme avec ses étiers qui amènent l'eau de mer jusqu'aux bassins, ses montagnes de sel qui vont du blanc en passant par le brun et le gris et cette fabuleuse couleur rose de de l'eau due à des algues.

Salin-de-Giraud
Salin-de-Giraud l'exploitation du sel
 Une réserve naturelle

Plus loin, les marais avec leurs plantes si particulières, salicorne, scirpe, jonc, sagne, tamaris, abritent des colonies d'oiseaux, flamands roses, cygnes, avocettes, hérons...




Cygnes

L'étang de Vaccarès et Joseph d'Arbaud

Et enfin l'immense étendue d'eau de l'étang de Vaccarès, le plus vaste de la Camargue, réserve nationale naturelle, nommé ainsi à cause des nombreuses vaches qui paissaient avant sur ses bords.

L'étang de Vaccarès
Et bien sûr, il a fallu que je raconte à ma petite-fille l'histoire (un peu arrangée, je ne m'en souvenais pas bien) de La bête du Vaccarès de Joseph d'Arbaud dont voici le résumé :

Dans la Camargue du Moyen-Age, Jacques Roubaud, gardian, rencontre une bête étrange, moitié chèvre, moitié homme, et douée de la parole. Ce faune chenu, peut-être le grand Pan lui-même, lui inspire, en même temps que de l'effroi, une bizarre amitié.
Chef-d'œuvre de Joseph d'Arbaud, dont l'ample prose lyrique sert admirablement la veine fantastique, la Bête du Vaccarès est aussi un conte plein de tendresse et de sauvagerie sur le vieillissement et la mort des mythes.







Joseph d'Arbaud (Jóusè d'Arbaud ) né à Meyrargue le 4 octobre 1874 et mort à Aix-en-Provence le 2 mars 1950, est un poète provençal d'expression occitane et un félibre. Aristocrate, proche de Folco de Baroncelli-Javon, gardian lui-même, il est l'auteur du roman La bête du Vaccarès (la Bèstio dóu Vacarés ) (Wikipédia)










Etang de Vaccarès

"Ici, à travers ces vases salées, coupées d’étangs, et de plages sablonneuses, en écoutant les beuglements des taureaux et le cri de tes étalons sauvages, en regardant, tapi, le jour, à l’horizon, trembler les voiles du mirage sur la terre chaude, en regardant, la nuit, danser sur les eaux de la mer la lune étincelante et nue, j’ai connu quelque temps ce qui, pour moi, peut ressembler au bonheur. "

Dans La Bête du Vaccarès de Joseph d’Arbaud

mardi 2 juin 2015

La carrière de Lumière des Baux : Léonard de Vinci, Raphaël, Michel Ange


Les carrières de Lumière des Baux : Michel Ange, Léonard de Vinci, Raphaël année 2015
Michel Ange dans les Carrières de Lumière des Baux

 Fermées depuis 1935, les carrières des Baux ont été utilisées pour extraire de la bauxite et du calcaire. Elles sont situées dans un lieu pittoresque appelé Val d'Enfer qui a inspiré Frédéric Mistral pour Mireille. C'est dans cet endroit que Vincent, blessé par le bouvier Ourias, se réfugie dans l'antre de Taven, la sorcière, qui le soigne et le guérit. C'est là aussi, dans ces carrières monumentales et mystérieuses que Jean Cocteau tourne Le testament d'Orphée dont le tournage a été si bien mis en images par le photographe Lucien Clergue.

Dans les carrières des Baux, le testament d'Orphée de Cocteau , image de Lucien Clergue
Le testament d'Orphée photo de Lucien Clergue

Ce lieu n'est donc pas banal et si l'on parle à son propos de cathédrale, c'est parce que c'est exactement l'impression l'on en a en y pénétrant : Grandeur des murailles de blocs colossaux, élévation, hauteur démesurée du sol à la voûte. C'est en 1977 que la carrière a vu se développer des scénographies de projections d'images. 

Michel Ange : Carrière de lumière des Baux année 2015  Michel Ange, Raphaël, Léonard de Vinci
Michel Ange : Carrière de lumière

Les photographies que je vous présente sont de mauvaise qualité, prises sans flash dans l'obscurité, mais les silhouettes humaines en ombre chinoise qui se réflètent sur les murs d'images vous donnent bien l'échelle des plans. Le visiteur est minuscule et les images des oeuvres des trois Géants de la Renaissance sont immenses : Michel Ange, Raphaël, Léonard de Vinci. D'autre part, ces images sont en mouvement. Certains passages comme Le Jugement dernier de Michel Ange sont grandioses : les damnés sont précipités dans les flammes des enfers qui brûlent autour de vous et semblent vous encercler,  tandis que les anges attirent les élus vers le ciel vous amenant au milieu des nuages. La Chapelle Sixtine comme vous ne la verrez jamais! La musique et les chants qui accompagnent ses scènes forment un spectacle complet, impressionnant.

Les trompettes de Jéricho semblent jaillir des murailles : carrière des Baux année 2015 Michel Ange
Michel Ange : Le Jugement dernier Les trompettes de Jéricho

Michel Ange : Le Jugement dernier

Michel Ange

Michel Ange

Michel Ange : La Création d'Adam aux Carrière des Baux année 2015 Les trois géants de la Renaissance : Michel Ange Raphaël, Léonard de Vinci
Michel Ange : La Création d'Adam

Michel Ange : La création du monde : le soleil carrière des Baux année 2015 Les trois géants de la Renaissance Michel Ange, Raphaël, Léonard de Vinci
Michel Ange : La création du monde : le soleil

Et puis, bien sûr, il ne faut pas hésiter à aller visiter le joli village des Baux tout proche; très fréquenté, il faut le savoir! A éviter le dimanche si possible.

 Voir La vidéo

 Du 6 mars 2015 au 3 Janvier 2016
Les Carrières sont ouvertes tous les jours du 6 mars 2015 au 3 janvier 2016.
Du 6 au 31 mars : 10h-18h
Du 1er avril au 30 septembre : 9h30-19h
Du 1er octobre au 3 janvier 2016 : 10h-18h

mercredi 8 février 2012

Avignon : Rue des Teinturiers en Février 2012/ Félix Gras, Les Rouges du Midi




 La rue des Teinturiers est une des plus pittoresques d'Avignon avec ses grandes roues qui témoignent d'un temps déjà assez lointain où  elles tournaient encore pour faire fonctionner les fabriques des teinturiers. Mais il est rare de les voir ainsi prises dans la glace. Merci à  Véronique Lagarde qui a eu la gentillesse  de m'autoriser à publier ces photographies assez inhabituelles à Avignon!



Félix Gras : Les Rouges du Midi

Un passage du roman du félibre Félix Gras (1844-1901) "Les Rouges du Midi", décrit  cette rue au moment de la fête populaire et de l'élan révolutionnaire liés au rattachement du Comtat Venaissin à la France. Voici un extrait où l'on voit Pascal, le héros du roman, évoquer ses souvenirs de jeunesse. Il  nous semble alors revivre le passé de cette rue.

J'entrai avec la farandole par la rue Limbert et nous suivîmes la rue de Roues. En voilà une rue bizarre! La moitié est pavée pour laisser passer les gens et l'autre moitié sert de lit à la Sorgues, qui fait tourner les roues des fabriques des indienneurs et des teinturiers. Comme c'était grande fête, les teinturiers et les indienneurs avaient fermé leurs fabriques mais la rue était tapissée, depuis les toits jusqu'au ras du sol, de bandes indiennes bigarrées, rouges, bleues, jaunes, vertes, à grands ramages de fleurs; des milliers de jolis fichus de filles flottaient sur les séchoirs et les courroies qui traversaient la rue et faisaient ainsi comme des milliers de drapeaux et de festons et d'oriflammes, où le clair soleil, malgré le froid vif, se jouait étincelant. Et tout ce papillotement, avec le bourdonnement et le balancement de la foule qui nous emportait, le bruit de l'eau de la Sorgue qui clapotait comme un tourbillon de feuilles sèches, en s'écoulant des grandes roues alignées et qui tournaient lentement et semblaient marcher comme de grosses limaces en sens contraire de la foule, tout cela vous faisait clignoter, vous donnait les éblouissements du vertige. La foule  était encore plus serrée dans cette rue étroite et les farandoleurs ne pouvaient plus faire leurs entrechats à leur aise. De temps à autre on voyait apparaître leur tête au-dessus de la foule, ils essayaient en vain  de se remettre en danse à la cadence des tambourins qui ronflaient et des fifres qui s'égosillaient."

vendredi 27 janvier 2012

Des Américains à Avignon (2) : Henry Miller, le point de vue de l’urinoir

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Rue du Limas aujourd'hui restaurée dans le quartier que décrit Henry Miller

Le recueil intitulé Des Américains dans la ville cite un texte de Henry Miller, paru dans Black Spring en 1936, volontiers provocateur, qui se réjouissait que les Français aient si bon goût pour choisir l'emplacement de leur urinoir! (voir texte 1) C'est de là qu'il se plaisait à observer la ville d'Avignon.

images-2.1253797715.jpgEt aussitôt j'en vois un autre *: juste à côté du Palais des Papes, en Avignon. A un jet de pierre de la charmante petite place qui, par les nuits de printemps, semble jonchée de velours et de dentelles, de masques et de confettis. Si lentement coule le temps que l'on croit entendre les faibles sonneries de cors minuscules, le passé glisse comme un fantôme, puis se noie dans les basses profondes des cloches martelées qui broient la musique muette de la nuit. Tout juste à un jet de pierre aussi de l'obscur petit quartier où flamboient les lanternes rouges. Là, à l'heure où le soir fraîchit, vous verrez les petites rues tortueuses bourdonnantes d'activité, les femmes en maillots de bain ou en chemise se prélassant sur leurs seuils, la cigarette à la bouche, et invitant les passants. A mesure que tombe la nuit, les murs semblent se rejoindre, et de toutes les ruelles qui s'égouttent dans le ruisseau, voici que s'écoule une foule d'hommes curieux et affamés, envahissant les rues étroites, tournant en rond, s'élançant au hasard comme des spermatozoïdes vibrant de la queue à la recherche  de l'ovule, et qui finissent par être happés par la gueule ouverte des bordels.
* urinoir

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La place du Palais des Papes avant restauration (carte postale)

Ce texte se décompose en deux parties toutes deux ponctuées par la répétition de :  A un jet de pierre/ tout juste à un jet de pierre.
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Dans les deux cas, le regard de l'écrivain part de l'urinoir où il se trouve (situation, ô combien iconoclaste, pour un texte littéraire!) pour aller vers deux endroits différents : la place #le petit quartier des lanternes rouges. Ces deux lieux désignent à Avignon, la place des Papes et le quartier de la Balance au-dessous du Palais où vivaient les prostituées.
Deux parties antithétiques qui opposent une place charmante à un quartier mal famé... nouvelle provocation de l'écrivain?
Tout d'abord la place dont la description légère et romantique qui évoque le Verlaine des Fêtes galantes : charmante, jonchée de velours, dentelles, masques et confetti, nuits de printemps, nous paraît en complète inadéquation avec le matérialisme sordide de l'urinoir. Ironie de Miller qui s'amuse à choquer son lecteur et à secouer la bonne société bien pensante contre laquelle il est en révolte.
La proximité dans l'espace évoqué par l'expression à un jet de pierre correspond à une proximité dans le temps : si lentement coule le temps, métaphore de l'eau qui nous entraîne du présent de cette place de velours et de dentelles, au passé et ceci tout en douceur comme en témoigne le verbe glisse.  Nous voyageons dans le temps sur les ailes de l'imagination. Nous sommes toujours sur la même place mais les personnages de la fête évoquée plus haut semblent s'être dématérialisés comme un fantôme. Le passé ainsi associé à la mort convoque un paysage feutré où tous les sons sont étouffés : faibles, minuscules,  se noie,  où tout est en demi-teintes et très doux : lentement. Mais la douceur est démenti par le choix des instruments qui n'ont rien de discret :  des sonneries, des cors (même s'ils sont minuscules), des cloches à la basse profonde et qui, de plus, sont martelés. Baudelaire associait lui aussi le son de la cloche et les coups de marteau à l'image de la mort. La vision que nous avons devant nous est bruyante et curieusement inaudible comme le souligne l'oxymore la musique muette ce qui accentue encore l'idée que nous sommes dans un cauchemar. La montée du malaise est orchestrée par la gradation dans le choix des termes qui évoquent tous la Mort, de  se noie, martelés à qui broient. Il y a un acharnement dans la violence car la mort n'épargne personne. Elle n'est douce qu'en apparence et ce n'est donc pas par hasard qu'elle se déroule la nuit . Aux nuits ,au pluriel, à cette saison de printemps, qui font naître des idées de calme et gaieté, a succédé la nuit, au singulier (la musique muette de la nuit), nuit définitive, unique, angoissante, comme cette musique que l'on ne peut entendre (on pense au Cri de Munch), celle du tombeau, qui enveloppe les silhouettes irréelles glissant dans les ténèbres.
La place Campana aujourdhui; jadis, lieu de prostitution

place-campana-avignon.1253793849.jpg Ensuite, et toujours du point de vue de  l'urinoir, nous nous projetons en pensée dans le petit quartier des prostituées. Nous sommes retournés dans le présent. Et l'écrivain choisit aussi pour pénétrer dans le quartier des femmes la progressive entrée dans la  nuit : le soir fraîchit, à mesure que la nuit tombe . Cela lui permet de créer un tableau un peu inquiétant en clair-osbcur où dominent le noir et le rouge semblable à un incendie : obscur  les lanterne rouges, flamboient. Contrairement au précédent paragraphe la scène est extrêmement animée : d'activité, les femmes, les passants, une foule d'hommes. La profusion des verbes de mouvement donne l'impression d'une vie intense : s'écoule, envahissant, tournant, s'élançant. L'adjectif bourdonnantes introduit le bruit et l'image de la ruche que l'auteur utilisera plus loin, hors texte. Si  la scène est vivante, elle est pourtant loin d'être plaisante et rassurante. Certains mots créent l'inquiétude : certes, les femmes se prélassent sur les seuils des maisons, idée de détente et de repos contrariée par la description qui suit car elles sont en maillot de bain ou en chemise et les ruelles petites sont tortueuses. Cette impression d'étrangeté, d'anormalité ne va cesser de croître. Le cadre se déforme, se tord, (je pense aux tableaux de la période cubiste de Delaunay) nous fait perdre pied avec la réalité : les murs semblent se rejoindre, les ruelles s'égouttent comme si la scène n'avait pas de consistance et se liquéfiait. La métaphore de l'eau, le ruisseau, le verbe s'écoule, a changé de sens. Elle n'évoque plus, à la manière d'Appolinaire, l'inexorable passage du temps et comme précédemment le retour vers le passé. Nous sommes bien dans le présent mais un présent sordide : le ruisseau qui coule dans les ruelles est celui qui charrie les immondices et peint métaphoriquement la déchéance de ces femmes invitant le passant. La foule qui s'écoule est composée d'hommes robots dont les mouvements ne sont plus conscients et volontaires : ils tournent en rond, ils s'élancent mais au hasard. Ils sont devenus des machines à se reproduire, curieux et affamés de sexe, seulement guidés par l'instinct de survie, le désir de copulation comme le prouve la comparaison hardie  avec des spermatozoïdes vibrant..  de la queue à la recherche de l'ovule. Finalement, chez Miller, Eros est toujours très proche de Tanatos car c'est la mort qui attend ces hommes comme le prouvent le verbe, finissent. Et cette fin est violente si l'on en juge par le mouvement :  happé . Le mot choisi pour parler des bordels : la gueule introduit la vision d'un monstre qui engloutit cette foule d'hommes sans conscience et clôt ainsi ce texte sur une image d'apocalypse. Réflexe judéo-chrétienne de Miller? Malgré son refus du puritanisme américain et son désir de choquer, l'amour vénal  et la prostitution paraissent assimilés à l'Enfer, image suscitée par ce crépuscule éclairé des flammes de la damnation.

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Ainsi malgré la provocation du point de vue de l'urinoir, Henry Miller nous livre un texte brillant, magnifiquement écrit, qui témoigne d'une grande valeur littéraire.

Le quartier de la Balance où il y avait jadis de nombreux palais cardinalices était dans un tel état délabrement que la ville a hésité entre restauration et réhabilitation

Rue de la Balance: certains bâtiments ont pu être restaurés mais d'autres ont malheureusement été détruits.


 En 1930 

Quand Henry Miller visite Avignon en 1930, le centre de la ville n'était restauré et offrait un aspect pauvre et délabré. Les ruelles en pente jusqu'au Rhône au-dessous du Palais des Papes  en très mauvais état, abritaient une population laborieuse extrêmement modeste composée d'ouvriers, de petits artisans, et pour certaines rues de gitans et de protituées.

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Rue de Limas aujourd'hui restaurée dans la même quartier

Rue de la Pente Rapide: Au centre de cette ruelle étroite aux murs lépreux coulait un petit ruisseau
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jeudi 26 janvier 2012

Des Américains à Avignon (1) : James,Carter, Miller, Kérouac


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Le recueil intitulé Des américains  dans la ville, dans les éditions Librairie contemporaine d'Avignon,  regroupe les textes de quatre écrivains américains en voyage  à Avignon.

Georges Wickes qui a préfacé le livre écrit :
 Il n'est pas étonnant que nos quatre écrivains aient vu la ville sous des jours différents. Songez à l'abîme qui sépare ce dix-neuvième siècle, qui savait si bien prendre son temps, de notre époque instable, le voyageur chevronné de celui pour qui son voyage en Europe est l'accomplissement d'un rêve d'enfant, l'homme du monde de l'institutrice novice, pour ne rien dire de l'anarchiste et du renégat. Entre la façon cossue de voyager d'un Henry James et la tenue d'ouvrier (pas encore à la mode à l'époque) d'un Jack Kérouac ployant sous son barda et essayant de faire de l'auto-stop pour économiser quelques sous, quel contraste! Et quel symbole des changements apparus dans le portrait de l'écrivain au long de quatre générations! Ce n'est pas tellement la ville qui change; ce sont les points de vue de l'écrivain, et, en conséquence, leur choix parmi les choses à voir."

Henry James  ( 1843-1916) texte paru dans  A little  Tour in France en 1884
images-1.1253545364.jpg Grand voyageur, il fit trois séjours à Avignon, le premier sous la pluie où il se promit de revenir en des temps plus cléments, le second très rapide car il était  en route pour l'Italie et le troisième qu'il relate dans A little Tour in France. Il descendit à l'Hôtel de l'Europe, un bel établissement à l'usage de la bourgeoisie huppée.  Il présente Avignon sous une pluie incessante (encore!)et sous un jour assez noir. Il faut dire qu'au XIXème siècle le centre d'Avignon, son palais à moitié en ruines, transformé en caserne, ses quartiers mal famés de La Balance, aux maisons délabrées, était certainement moins plaisant qu'aujourd'hui! Voyageur érudit, cultivé, il procède par comparaison, toujours attentif à analyser ses sentiments, à convoquer des références culturelles. Il visite musées et palais mais rien ne semble trouver grâce à ces yeux si ce n'est ce qui, dans la ville, lui rappelle l'Italie.  James se définissait lui-même comme un touriste sentimental, un chasseur du pittoresque.
Ce jardin (celui du Rocher des Doms) rappelle vaguement et de façon légèrement perverse les ombrages du Pincio à Rome. Je ne sais si c'est l'ombre de la papauté, présente en ces deux endroits, alliée à une vague ressemblance entre les églises qui semblent toutes deux défendre les lieux et auxquelles on accède, dans les deux cas, par une montée d'escaliers, mais chaque fois que j'ai vu la promenade des Doms, elle m'a transporté en pensée vers la terrasse aux dimensions plus nobles d'où l'on contemple le Tibre et Saint Pierre.

Willa Carter (1876-1947): Elle écrivit ces articles sur Avignon pour la presse locale de sa ville dans le Nebraska dans l'année 1902.
cather-1.1253545241.jpg Elle aussi descendit à l'hôtel de l'Europe en 1902  par une journée caniculaire dont Avignon a le secret au mois d'août! C'était son premier voyage en Europe à  28 ans. Maîtresse d'école, elle n'avait pas encore écrit  et n'était pas encore connue du monde de la littérature. Elle avait lu les écrits de James sur Avignon et l'on peut penser qu'elle devait épouver pour lui respect et humilité. Pourtant la ville l'enthousisama et elle prit le contrepied du grand écrivain. Son séjour d'Avignon laissa en elle des traces profondes et fit naître des sentiments qu'elle exprima plus tard, dans ses écrits, et qui l'accompagnèrent tout au long de sa vie.  Son style assez lyrique exalte la beauté naturelle du site de la ville. Sa dernière oeuvre, interrompue par la mort, avait pour cadre l'Avignon du Moyen-Age.
En fin d'après midi, nous regardons le soleil allumer au front des Alpes ses changeantes apothéoses. Puis  nous rallions la salle à manger gothique pour le dîner et la nuit descend, reposante, réparatrice, sur la Provence poussiéreuse et desséchée.

Henry Miller (1891-1980) Ses impressions se trouvent à la fin d'un passage d'écriture automatique intitulé " un samedi après midi" qu'il recueillit dans  " Black Spring " publié à Paris en 1936.
henrymillerf.1253545226.jpg Il est l'écrivain le plus éloigné de Henry James par son milieu, modeste, sa révolte contre les esprits bien pensants et contre l'hypocrisie d'une société puritaine. Irrévérencieux, volontiers provocateur, paillard, audacieux, il choisit de peindre un aspect d'Avignon d'un point de vue original -c'est un euphémisme- la ville vue à partir d'un urinoir! Il peut s'agir du souvenir d'une visite faite en 1928 au cours d'une randonnée avec sa femme à bicyclette dans le midi de la France ou d'un voyage accompli en 1930 quand il vivait à Paris.
Presque toujours les français ont choisi le bon endroit pour leurs urinoirs. Tout à fait par hasard, je pense à celui de Carcassonne... Et aussitôt j'en vois un autre : tout à côté du Palais des Papes, en Avignon.

Jack Kérouac (1922-1969) Extrait de "Grand voyage en Europe " publié dans une collection de récits de voyages appelée "Lonesome traveller" (1960)
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Enfant de la "Beat generation", mais lui-même d'un milieu aisé, il est en révolte contre la société, semblable en cela à Henry Miller mais aussi très différent. Sa consommation de drogue, ses errances, le marginalisent. En 1957, lors d'un voyage de Tanger à Paris, il rêve d'un voyage en Europe et se fait une joie de fouler le sol français. Mais quand il arrive à Avignon, son enthousiasme s'est déjà bien atténué! Après s'être fait estamper à plusieurs reprises, La Provence, la France et les Français lui sont quelque peu odieux!
Je compris alors pourquoi c'étaient les Français qui avaient perfectionné la guillotine, non pas les Anglais, ni les Danois, ni les italiens, ni les Indiens, mais les français, mes compatriotes.*
* Il est issu d'une famille québecoise française originaire de Bretagne

Décidément, Avignon, n'emporte pas l'adhésion auprès de ces voyageurs américains de la fin du XIXème et première partie du XXème!

lundi 25 juillet 2011

Avignon : François Pétrarque et Laure de Noves, la chapelle de Sainte Claire

Laure de Noves


Vestiges de la chapelle Sainte Claire à Avignon
La chapelle de Sainte Claire à Avignon fut témoin de la naissance d’un amour célèbre, celui de François Pétrarque et Laure de Noves.

 François Pétrarque est né à Arezzo, en Italie, en 1313. Mais la guerre fait rage dans son pays et se parents décident de fuir leur pays avec François, 9 ans, et son frère Gérard, 7 ans. La famille arrive à Avignon  qu’elle a choisie comme terre d’exil car c’est la ville du pape et il s’y trouve une colonie italienne importante. C’est là que François va vivre, c’est là qu’il va rencontrer à 23 ans, celle qu’il ne cessera jamais d’aimer : C’est en l’an de grâce 1337, à la première heure du 6 avril, que j’entrai dans le labyrinthe de l’amour écrit-il. C’est un vendredi Saint et la jeune femme sort de la chapelle de Sainte-Claire.
Laure portait cette matinée-là une longue robe parsemée de violettes. Les cheveux d’or mêlés de perles jouaient avec le vent. On aurait dit des rayons de soleil et les pleurs de l’aube.. écrit un autre poète, provençal celui-là, Théodore Aubanel.
Mais Laure de Noves est déjà mariée à Hugues de Sade, un chanvrier si riche qu’il est sur le point d’être ennobli. C’est un mari jaloux qui oblige sa femme à vivre en recluse. Elle lui sera toujours fidèle. François, lui, est  peu fortuné. Cet amour interdit fera de Pétrarque un errant. Il la fuit, cherche son oubli de pays en pays, mais toujours, attiré par Laure comme un aimant, il revient à Avignon. Il la voit partout, dans le laurier qui porte son nom, dans les fleurs blanches du mois de mai qui a présidé à leur rencontre. Il la célèbre au bord de la Sorgue, à la Fontaine du Vaucluse où il va se réfugier et écrit ses poèmes :

Beaux yeux, foyers étincelants
                   
flambeaux amoureux où s’allume
                 
L’ardent plaisir qui me consume..




François Pétrarque
Fait remarquable la date de leur rencontre, le 6 avril, a marqué toute la vie de Laure et de François : c’est le 6 avril que Pétrarque reçoit à Rome la couronne de laurier réservée au poète. C’est le 6 avril 1348  que Laure atteinte vraisemblablement de la peste noire s’éteint. Pétrarque est à Vérone. Il écrit : L’an 1348, le 6 avril, à la première heure, cette bien aimée a laissé son corps. La belle dame que j’ai tant aimée nous a quittés soudain. 
Les vestiges du Couvent des religieuses de Sainte Claire édifié en 1239 et reconstruit au XIV  siècle sont encore visibles aux N° 14 à 20  de la rue de la Masse. Il ne reste que quelques bâtiments, un jardin et une chapelle aménagée en théâtre par la compagnie  Alain Timar.

Maurice de Scève
 Laure fut inhumée dans l’église du couvent des Cordeliers en 1348. Deux siècles après, l’emplacement du tombeau de Laure devient un mystère. Mais le souvenir du bel amour de Pétrarque hante l’imagination d’un autre poète, le lyonnais Maurice de Scève. En 1553, il vient à Avignon et visite les Cordeliers. Dans la chapelle de la Croix, la voûte est décorée d’une étoile à huit rayons. Ce sont les armoiries de la famille de Sade. Juste au-dessous, une pierre tombale porte deux écussons à moitié effacés par le temps où l’on distingue deux branches de laurier entourant une croix et surmontées d’un rose héraldique. Est-ce la sépulture de Laure? Maurice de Scève veut en avoir le coeur net. Il fait ouvrir la tombe et découvre au milieu d’ossements, une boîte en plomb. A l’intérieur, un parchemin  qu’il lit avec fébrilité : c’est un poème célébrant la beauté de Laure. Avec émotion, certain d’avoir découvert le tombeau de la Bien-Aimée, il remet en place le coffret et fait refermer le tombeau.



François 1er par Clouet

 
La même année, le roi François I, de passage à Avignon avec le poète Clément Marot, se rend en pèlerinage sur le tombeau qu’il fait, lui aussi, ouvrir. Il lit les vers découverts par Maurice de Scève et écrit à son tour un poème :
*
Plume, labeur, la langue et le savoir
                   
Furent vaincus par l’amant de l’aimée.
                   
Ah! gentille âme, étant tant estimée. 
                   
Qui te pourra louer qu’en se taisant
                   
Car la parole est toujours réprimée 
                 
 Quand le sujet surmonte le disant                        

Avant de partir, il laisse aux religieux mille écus d’or pour faire ériger un tombeau digne de Laure. Ce qui ne fut jamais fait. Mais la chapelle des Cordeliers devint un lieu de pélerinage. Les moine retirèrent les objets du tombeau pour les exposer à la curiosité des voyageurs. En 1720, un anglais corrompt le sacristain pour voler le coffret et l’emporte dans son pays. En 1793, les ossements sont enlevés de l’église pour être enterrés dans un cimetière et disparaissent à tout jamais.
 L’église appartenait au couvent des Cordeliers, ordre fondé par Saint François d’Assise. Les religieux s’étaient installés sur les bords de la Sorgue, à l’extérieur de la première enceinte marquée aujourd’hui par la rue des Lices, près de la porte Imbert. Les plus grandes familles avignonnaises y avaient leur tombeau.
 C’est dans l'actuelle rue des Teinturiers, non loin de la chapelle des Pénitents gris, que l’on peut voir les vestiges de l’église des Cordeliers englobés dans les bâtiments du Lycée Saint Joseph construit sur l’emplacement de l’ancien couvent.



jeudi 30 juin 2011

Le festival d'Avignon 2011 : Jean Vilar

 Maison Jean Vilar  (festival 2010)

 Le festival d'Avignon 2011 va bientôt ouvrir ses portes.  Le In commence le 6 Juillet.  Le 8, c'est le festival OFF qui donne son coup d'envoi. Partout on sent une animation fébrile dans la ville. Les théâtres qui sont restés fermés toute l'année font leur ménage, des camions  déversent leur chargement, des techniciens s'affairent, à l'intérieur on aperçoit du matériel déballé, des projecteurs,  des sièges.. . en désordre. Les autres, ceux qui sont ouverts toute l'année, le Chêne Noir,  Le Balcon,  Les  Carmes,  Les Halles ... ont déjà fourbi leurs armes, autrement dit leurs affiches, leurs programmes. 

Il est donc normal aujourd'hui que la citation du jeudi soit consacrée  à Jean Vilar, (1912-1971) homme de théâtre, comédien,  directeur du TNP,  créateur du festival d'Avignon en 1947.




Le théâtre est une nourriture aussi indispensable à la vie que le pain et le vin... Le théâtre est donc, au premier chef, un service public. Tout comme le gaz, l'eau, l'électricité.

L'art du théâtre ne prend toute sa signification que lorsqu'il parvient à assembler et à unir.



vendredi 3 juin 2011

Lawrence Durell Le Quintette d’Avignon : Monsieur ou le prince des ténèbres

 Avignon : Le Pont et le Rocher-des-Doms

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Monsieur ou le prince des ténèbres de Lawrence Durrell est le premier des cinq romans que l'auteur a réuni sous le nom de Le Quintette d'Avignon.
Comme le titre l'indique l'action se passe à Avignon qui est le lien entre tous les personnages du roman, la ville natale, l'origine, les racines, même si nous sommes invités au cours du roman à la quitter pour Alexandrie ou Venise.
"Dans un certain sens, nous nous attendions à être repris à chacune de nos absences.. Elle vous hantait bien qu'elle fût rongée de moisissure, décomposée parmi ses gloires passées, presque déliquescente dans ses effluences automnales. Nous l'aimions dans ses moindres recoins."
Grandeur et décadence, "ce pauvre village avait été Rome, avait été toute la Chrétienté. Il s'agissait, après tout, d'Avignon. "
Je me suis donc intéressée à la description de cette ville, ma ville, Avignon, telle qu'elle a été il y a plus de cinquante ans. J'ai bien vite vu qu'elle participait activement à l'action. Au début du roman le héros, Bruce, revient à Avignon pour l'enterrement de son ami Piers dont il a épousé la soeur, Sylvie, devenue folle et retirée à Montfavet. Piers s'est suicidé. Pourquoi? D'autres personnages gravitent autour d'eux, Rob Sutcliffe, un écrivain dont l'inspiration s'est tarie, époux de Pia, la soeur de Bruce.
La petite gare d'Avignon l'accueille "si banale, si impersonnelle, d'un laisser-aller provincial. On ne pourrait jamais en déduire la présence de la ville célèbre et cruelle à la fois." Une ville "endormie" qu'il aborde par une "nuit balayée par le vent" et qui l'accompagne dans ses déambulations, qui épouse ses états d'âme à tel point qu'elle paraît être la représentation matérielle des sentiments les plus intimes du personnage : "Avignon! ses lumières falotes et ses chats errants étaient toujours les mêmes; des poubelles renversées, les reflets des écailles de poisson, de l'huile d'olive, un scorpion mort. Durant tout le temps que nous avions passé à voyager autour du monde, la petite ville était restée amarrée là au confluent de son fleuve et de sa rivière aux eaux glauques. Le passé l'embaumait, le présent ne pouvait l'altérer. Tant d'années, de départs et de retours, de souvenirs et d'oubli. Elle nous avait toujours attendus, flottant parmi ses ténébreux monuments, la rondeur de ses cloches discordantes, la putrescence de ses places." Tout un vocabulaire évoquant la décomposition, la ville devenant la métaphore de la mort...
Cependant si la ville est le reflet "de la fatalité et de la solitude" c'est seulement dans le présent de Bruce. Il n'en est pas de même lorsqu'elle incarne le passé. L'ascension jusqu'aux "merveilleux jardins suspendus du Rocher- des- Doms,", témoins de ses nombreuses promenades avec Sylvie, en faisant ressurgir les souvenirs anciens ouvre à la joie, à la jeunesse, :" Là-haut, le printemps grattait à la porte comme un jeune chiot".
Beauté du paysage, calme, impression de vie, de légèreté : "Dans ce lieu privilégié on peut voir de trois côtés les courbes et les méandres du Rhône creusant les rives de son lit dans les calcaires friables, sculptant en contrebas les paisibles flancs des collines. Un soleil pâle brillait sur le lointain horizon des contreforts des Alpes. Au pied de ce belvédère, une petite île ourlée de glace, comme un canard sauvage pris dans un piège de roseaux chargés de givre. La montagne de la Sainte Victoire se dressait au loin, martyr enchaîné à son poteau de glace"
Sentiments de bonheur qui, cependant restent fragiles, toujours sur le point de se dissiper : "Mais le vent restait coupant comme l'acier, encore qu'un soleil anémié fit s'exhaler dans l'air quelques fugitifs effluves d'orange ou de thym." Une menace imprécise plane, quelques éléments perturbateurs s'immiscent dans la paix de ce lieu , celui de la montagne de la Sainte Victoire au loin, "martyr enchaîné ", celui de la petite île "pris dans un piège"."
Autre intérêt du livre? j'ai apprécié l'exercice de style qui consiste à perdre le lecteur en variant les points de vue, pas seulement en changeant de narrateur mais aussi d'auteur. Le romancier Rob Sutcliffe n'est semble-t-il qu'une création littéraire de Blanford, lui-même devenu personnage sous le nom de Blosford dans un livre de Sutcliffe. Vous me suivez? Non? Je résume donc : un écrivain écrit et crée un personnage, écrivain lui-même, qui met en scène un personnage qui se révèle être celui qui l'a créé si bien que l'on ne sait plus qui est l'écrivain du "réel" et celui de la fiction : Qui a créé l'autre?
Par ce biais Durrell explore les méandres de la création littéraire, s'interroge sur le métier d'écrivain. Celui-ci  nous apparaît comme un anthropophage toujours prêt à déchirer sa propre chair ou celle de ses semblables pour nourrir son inspiration. (L'image à la Musset est un peu trop romantique pour Durrell; elle est pourtant vraie!)
Exercice brillant mais qui s'exerce au détriment des personnages et de l'intrigue sans cesse interrompue par la mise en abyme, une sombre histoire de ménage à trois avec inceste entre frère et soeur, Sylvie et Piers, homosexualité de Piers et de Bruce, tous deux amoureux pourtant de Sylvie, tout ceci lié aux divagations philosophiques d'une secte. Durrel s'intéresse, en effet, au Gnosticisme qui pense que le Mal a triomphé sur Terre et a remplacé le Bien, théorie qui ne peut mener qu'au suicide librement consenti. Le début de l'histoire commence un peu comme une intrigue policière où l'on cherche à savoir si le frère s'est réellement suicidé. On sait que sa soeur qui a sombré dans la folie détient la réponse mais lorsque l'on commence à s'intéresser aux personnages, ils disparaissent, remplacés par l'avatar de l'avatar! Les différents récits s'entrecroisent, l'on se sent perdu, et, même si c'est un plaisir intellectuel, l'on comprend bien vite que l'histoire et les personnages importent peu. D'où un certain ennui car j'aime les romans où les personnages ne sont pas seulement là pour servir des idées mais sont faits de chair et de sang.
Bref! Durrell avait décidé d'écrire un livre qui ne serait pas comme les autres et il y est parvenu mais ....

mercredi 17 novembre 2010

Vaucluse ou la vallée Close : François Pétrarque et René Char

 

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Rivière trop tôt partie, d'une traite , sans compagnon,
Donne aux enfants de mon pays le visage de ta passion.
René Char


La littérature du Vaucluse, région  qui voit le jour dans la Vallis Clausa, la vallée Close, résurgence  de la Sorgue aux eaux vertes, est ancrée dans un "pays" géographique où les lieux sont nommés et tracent des itinéraires concrets. Cette  littérature, qui se nourrit de la "chair "d'une région, a pour cadre les grandes villes, Orange, Carpentras, Cavaillon, et Avignon, altière, dominant le Rhône... Elle évoque aussi les paysages colorés, odorants, changeants, soumis aux caprices de la nature : l'eau, le vent, le soleil ...  Elle s'imprègne de composantes  géographiques précises : rivières, plateaux calcaires et montagnes....
Vallis Clausa 

Avignon, c'est l'enfance et surtout l'obsession des eaux. Il y a là deux fleuves, le Rhône et la Durance. J'ai vécu longtemps à leur confluent.  j'ai connu leur violence, leur brutale personnalité, leur grandeur
écrit Henri Bosco dans ses Souvenirs d'enfance. Cette obsession caractérise la plupart des auteurs qui ont écrit sur le Vaucluse. Entre les bras de Durance et Rhône qui forment ses frontières naturelles, Vaucluse naît donc de l'eau, sources bruissantes des hauts plateaux de Sault, ruisseaux capricieux qui dévalent les pentes du Lubéron, filets argentés qui s'infiltrent dans les hauteurs des monts Ventoux ou du Vaucluse, de la montagne de Lure...
Et puis, dans la Vallée Close qui lui donne son nom jaillit à la lumière la source mystérieuse qui est, dit Georges de Scudéry, écrivain du XVIIème siècle, originaire d'Apt, en mesme temps et Fontaine et Rivière : La Sorgue. Elle se rue dans la vallée telle le serpent légendaire, la Coulobre, chassée par Saint Véran. Enfin guidée par l'homme, elle se ramifie et devient plurielle, les Sorgues, réseau hydrographique complexe comme une toile d'araignée que  l'Ouvèze recueille.
Lorsque poètes et écrivains célèbrent l'eau du Vaucluse dans leurs oeuvres, ils choisissent d'abord de l'évoquer comme source vie, rivières des frais ombrages  et des berges fleuries. La Fontaine du Vaucluse et les rives de la Sorgue avant de devenir des sites mythiques hantés par les fantômes de Laure et de Pétrarque sont d'abord, en effet, des lieux paisibles où promeneurs et poètes vont chercher refuge.
   François Pétrarque et René Char

Quand François Pétrarque s'installe près de la Fontaine en 1537, au pied du château des évêques de Cavaillon, c'est pour chercher un refuge éloigné de la ville d'Avignon. De cet endroit, il écrit à ses amis italiens et avignonnais, des lettres restées célèbres, publiées dans un recueil Séjour à Vaucluse (Rivages-poche)
L'aspect troublé de la ville écrit-il à son ami, Gulielmo di Pastrengo, légiste et humaniste véronais, et le doux amour d'une campagne charmante m'avaient poussé à visiter les eaux transparentes et la source admirable de la Sorgues qui donne aux poètes un  puissant aiguillon et au génie de vaillantes ailes. .. Une partie est bordée par une rivière profonde et l'autre est entourée d'une montagne neigeuse aux roches escarpées dont les hauteurs s'opposent à l'Auster (mistral) brûlant; c'est là que se répand l'ombre vers le milieu  du jour.
Il y décrit sa vie avec son métayer pour tout serviteur et pour compagnon son chien fidèle. Là, il cultive son jardin où les fleurs printanières le ravissent. Il goûte les joies frugales et rustiques de la campagne au coin du feu, l'hiver, pendant les longues nuits froides, et sous la fraîcheur des feuillages en été où l'on se réfugie pour échapper à l'ardeur du soleil.  Il y apprend aussi à pêcher, à manier avec dextérité les filets et s'émerveille de son nouveau savoir :
Devenu pêcheur, je manie, au lieu d'épées, des hameçons recourbés munis d'appâts trompeurs..
Quelques siècles après une autre voix de poète s'élève dans ces mêmes lieux. C'est, en effet, ce charme calme et un peu hors du temps que célèbre René Char dont la vie a été baignée par la rivière aux eaux vertes :
J'avais dix ans. La Sorgue m'enchâssait. Le soleil chantait les heures sur le cadran des eaux (  Déclarer son nom)
La propriété familiale aujourd'hui disparue où coule un petit affluent de la Sorgue, les Névons, a été témoin de l'enfance du poète :
Dans le parc des Névons/Ceinturé de prairies/Un ruisseau sans talus/ Un enfant sans ami/ Nuancent leur tristesse/ Et vivent mieux ainsi (Jouvence des Névons)
C'est ainsi qu'à des centaines d'années de distance s'établit un dialogue entre les deux poètes les plus connus de la Sorgue :
De Pétrarque à Char ... Deux hommes si différents, éloignés dans le temps, les préoccupations, les mentalités. Et pourtant leurs voix s'entrelacent, se nouent, s'éloignent comme un soupir, pour revenir bientôt en écho, dans un même chant célébrant la Rivière :
Vous verriez les oiseaux aériens faire leur nid à la cime des branches verdoyantes ,les oiseaux fluviatiles bâtissant leur nid sur un écueil, les uns tapissant de mousse, les autres de feuillage; la faible couvée agitant sous des ailes amies et prenant sa nourriture d'un bec tremblant. Les voûtes  des grottes retentissent alors de chants harmonieux,  d'un côté la couleur appelle les yeux, de l'autre le son attire l'oreille écrit Pétrarque .
Je suis épris de ce morceau tendre de campagne, de son accoudoir de solitude au bord duquel les orages viennent se dénouer avec docilité, au mât duquel un visage perdu, par instants s'éclaire et me regagne. De si loin que je me souvienne, je me distingue, penché sur les végétaux du jardin désordonné de mon père, attentif aux sèves, baisant des yeux formes et couleurs que le vent semi-nocturne irriguait mieux que la main infime des hommes renchérit Char.
Pétrarque : L'automne vous fournit des fruits délicieux 
Char : L'automne! Le parc compte ses arbres bien distincts. Celui-ci est roux traditionnellement; cet autre fermant le chemin est une bouillie d'épines
Char : Tigron, mon chien, bientôt tu seras un grand cerisier et je ne saisirai plus la connivence de ton regard, ni le tremblement de l'anse de ton museau, ni se projetant de  droite et de gauche tes abois prévenants jamais ennuyeux.
 Pétrarque : De plus mon chien fatigue de ses sauts les collines et les rivières; il imite de sa voix criarde le chant des enfants et fait des choses risibles. Ennemi implacable des oies qui se plaisent dans les bas-fonds, il les poursuit sur le rivage et sur les écueils élevés.
Si pour Pétrarque Vaucluse représente un moyen d'échapper aux intrigues de la cour papale pour goûter la méditation et chanter son amour pour Laure loin des déchirements de la passion, la Sorgue est  tout aussi vitale pour Char.  Ce pays à la fois réel et mental est pour lui la Contre-Terreur qui lui permet de résister aux fureur et mystère d'une époque troublée :
La contre-terreur, c'est ce vallon que peu à peu le brouillard comble, c'est le fugace bruissement des feuilles comme un essaim de fusées engourdies, c'est cette pesanteur bien répartie, c'est cette circulation ouatée d'animaux et d'insectes tirant mille traits sur l'écorce tendre de la nuit, 
La Chanson pour Yvonne intitulée La Sorgue permet de découvrir  toute l'importance que cette rivière revêt pour lui, elle qui préside à sa vocation de poète et conserve l'homme adulte à lui-même en le gardant fidèle et pur à la création poétique :
Rivière  au coeur jamais détruit dans ce monde fou de prison
Garde nous violent et ami des abeilles de l'horizon.

Il serait facile de montrer les dissemblances existant entre les deux poètes, notamment dans leur univers mental, leur mode de pensée, mais j'ai préféré souligner la similitude de ces deux voix qui, se rejoignant au-delà siècles, me paraissent très pures et très belles .

mercredi 29 septembre 2010

TERRA MARE : exposition de Miquel Barcelo à Avignon

Miquel Barcelo
Il est toujours là! il fait des galipettes sur la place du Palais

C'est Yvelinoise qui a trouvé d'où venait cet éléphant facétieux et léger malgré sa taille respectable.  Il s'est échappé de l'exposition : Terra -Mare du 27 Juin au  7 Novembre 2010, consacrée à  l'artiste espagnol Miquel Barcelo né à Majorque?
L'exposition investit  trois lieux différents : le musée Lambert pour les oeuvres picturales, le Palais des papes pour les sculptures et les céramiques. Le musée du Petit Palais présente des oeuvres gothiques de Majorque jamais sorties d'Espagne.

J'ai bien l'intention d'aller voir cette exposition et je vous en parlerai!