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vendredi 17 juin 2011

Jorge Semprun et Charles Baudelaire : Ô Mort, vieux capitaine...




En apprenant la fin de Jorge Semprun, j'ai envie de publier ce texte.  Il réunit dans la Mort, Charles Baudelaire et Jorge Semprun, le grand poète du XIX ème et le grand écrivain du XXème siècle.

O Mort, vieux capitaine, il est temps! levons l'ancre!
Ce pays nous ennuie, ô Mort! Appareillons!
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons!
Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte!
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe?
Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau!
Charles Baudelaire (les Fleurs du Mal)
O Mort, vieux capitaine, il est temps! levons l'ancre... J'aime ces mots qui éveillent en moi la vision d'une grande nef aux voiles noires levant l'ancre pour un dernier voyage, une image si belle que curieusement elle provoque en moi ni crainte ni angoisse mais simplement une douce nostalgie. Pourtant, ce n'est pas ce sentiment que je veux retenir à propos de ce poème mais plutôt celui que j'ai éprouvé en lisant le livre de Georges Semprun : Quel beau dimanche

O Mort, vieux capitaine.. C'est ainsi que Georges Semprun accompagne et réconforte son ancien maître et ami mourant dans un camp de concentration. Et ces vers qui éclairent les derniers instants du vieux professeur sont comme une mince trouée d'espoir dans les ténèbres. Ils sont une petite flamme vacillante, toujours prête à s'éteindre mais pourtant tenace et courageuse, perçant l'obscurité.  Ils sont la réponse athée, pleine de tendresse et de beauté, au sentiment de déréliction qui s'empare de l'homme face à la mort. Ils affirment, face aux bourreaux qui le leur dénient, l'humanité des victimes et leur volonté de préserver intact ce qui les rattache à l'humain : amitié, respect, attention à l'autre..  La poésie répond ainsi à un monde barbare et sa force est telle qu'elle est comme un coup de tonnerre dans le ciel noir d'orage de l'enfer nazi.
   




lundi 13 juin 2011

Serge Wellens : Les Mots sont des chiens d'aveugle et le peintre André Bielen


Terre des promesses d'André Bielen

C'est dans le livre de Sylvie Germain : le Monde sans vous que j'ai découvert ce si beau poème de Serge Wellens : Les Mots sont des chiens d'aveugle... Voyons s'il vous touche autant que moi!
J'ai cherché ensuite une image qui dise le pouvoir et la force des mots, qui nous entraîne comme eux dans le rêve et j'ai découvert les fabuleuses abstractions du peintre André Bielen, son univers onirique, vertigineux, qui nous immerge dans des mondes mystérieux ...
Je vous invite au voyage dans l'imaginaire en allant voir le site de André Bielen


Le puits de rêve de André Bielen


Le poète et le peintre : deux coups de foudre!

Les mots sont des chiens d'aveugle…
Je les entends venir
leur odeur les précède
Parfois ils ouvrent des chemins ensoleillés
dans cette nuit où l'on m'assigne en résidence
Je les suis des yeux
ils traversent
des objets inconnus
les éclairant au passage
d'un mystère resplendissant
Parfois
ils dorment contre moi
et je les écoute rêver
sans jamais savoir s'ils m'acceptent dans leurs rêves

Les mots sont des chiens d'aveugle…

Parfois


quand bon leur semble
ils brisent leur laisse
dérisoire
se font nuages
disparaissent
Longtemps
je les entends hurler
Hurler à mort
Il n'y a pas de mots pour dire cela



Le faiseur de rêves André Bielen 





Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :

Un sonnet de Michel Ange : La Pieta de Saint Pierre de Rome

Michel Ange comme tous les grands artistes de la Renaissance est un homme de génie qui a plus d'une corde à son arc. Sculpteur, peintre, architecte, il fut aussi, même si c'est moins connu, poète. Ce sonnet est adressé à la Vierge de la Pieta que le sculpteur a fait naître du marbre. Cette naissance toute de beauté et de grâce est  prétexte à une réflexion sur la création artistique, sur la foi mais aussi sur la responsabilité de l'artiste et la mort.

La Pieta de Michel Ange (Saint Pierre de Rome)




L'artiste le meilleur n'a aucune idée qui ne soit déjà enfouie
Profondément dans le marbre.
Et le charme qui retient cette idée ne peut être brisé
Que si les mains obéissent à l'esprit.
Le mal que je fuis et le bien auquel j'aspire
sont cachés en vous, Dame de haut raffinement,
Et mon art n'est pas assez grand pour obtenir ce que je désire.
Votre beauté et votre sévérité ne  sont pas responsable de ma peine,
Pas plus que l'Amour ou le Destin.
Je suis seul comptable de ma destinée,
Car si vous portez la compassion et la mort
Dans votre coeur si digne,
Mon talent indigne ne connaît que la mort.

Les compagnons Troubadours du dimanche :
Edelwe, Mango, Abeille, Emmyne, Chrestomanci, Mariel, Laurence , Ankya, Herisson08, Anjelica , George, Uhbnji , Fleur, Esmeraldae, Armande, Satya, Zik, Lystig, Amos, Bookworm, Emma, Julien, Marie, Yueyin , Soie , Alex , Hambre , Katell , Mathilde, Schlabaya, Hilde, Saphoo, La plume et la page, Tinusia, Chrys, Roseau, MyrtilleD, Cagire, Caro[line], L’or des chambres, Violette, claudialucia, Séverine, Maggie, Sev, Azilis.

dimanche 12 juin 2011

Philippe Jaccotet : Une référence au poème de William Blake

William Blake

William Blake ( 1757- 1827) était aussi doué pour le dessin que pour la poésie; Il a été peintre et graveur et reconnu comme un grand poète britannique.

*Tyger! Tyger! burning bright
In the forests of the night,
What immortal hand or eye
Dare frame thy fearful symmetry?
In what distant deeps or skies
Burnt the fire of thine eyes?
On what wings dare he aspire?
What the hand dare seize the fire?
And what shoulder, and what art,
Could twist the sinews of thy heart?
And when thy heart began to beat,
What dread hand? And what dread feet?
What the hammer? What the chain?
In what furnace was thy brain?
What the anvil? What dread grasp
Dare its deadly terrors clasp?
When the stars threw down their spears,
And water'd heaven with their tears,
Did he smile his work to see?
Did he who made the Lamb make thee?
Tyger! Tyger! burning bright
In the forests of the night,
What immortal hand or eye
Dare frame thy fearful symmetry?


La lampe apprivoisée et le tigre bondissant

 Ainsi de cette fin du jour où, au-dessus de la maison dont s'allume la première lampe, flamboie en même temps un grand nuage empourpré.
Voici les mots qui me sont venus alors à l'esprit, comme un titre : "la lampe apprivoisée et le tigre bondissant". Problablement un souvenir du poème de Blake : "Tiger! Tyger! burning bright/ In the forest of the night"*; et la rencontre de la lumière domestiquée avec celle, sauvage, d'une sorte d'incendie. Ce furent encore, un instant superposées, les images de deux façons de vivre; puisque vivre, si prudent qu'on se veuille, c'est brûler.
 
Phillippe jaccotet :  Après beaucoup d'années, une couronne
 film d'animation de Guilherme Marcondes

Lire le poème de Blake dans le beau blog de mathématiques de Guy Marion qui nous renvoie au film d'animation du brésilien Guilherme Marcondes inspiré par ces vers.
 ou  Art et maths voir 11 Avril 2008

mercredi 8 juin 2011

Dimanche poétique : Shakespeare et Ronsard ou L'immortalité littéraire


Roses de Van Gogh

William Shakespeare a écrit 154 sonnets sur une longue période de 1592 à 1598. Ils sont dédiés pour une part à un homme dont l'identité n'est pas certaine et de l'autre à une mystérieuse dame Noire. Le sonnet XVIII est peut-être l'un des plus connus. Le jeune homme célébré dans ce poème n'obtiendra l'immortalité que par la grâce des vers du poète. En effet, seule la poésie peut vaincre l'oubli et la mort.
Ce thème de l'immortalité littéraire chère au XVIème siècle et hérité de Pétarque est à rapprocher du poème à Hélène, de Pierre Ronsard, c'est pourquoi je les ai réunis ici aujourd'hui.

Sonnet XVIII   William Shakespeare

Shall I compare thee to a summer's day?
Thou art more lovely and more temperate.
Rough winds do shake the darling buds of May,
And summer's lease hath all too short a date.
Sometime too hot the eye of heaven shines,
And often is his gold complexion dimm'd;
And every fair from fair some time declines,
By chance, or nature's changing course, untrimm'd;
But thy eternal summer shall not fade
Nor lose possession of that fair thou owest;
Nor shall Death brag thou wand'rest in his shade,
When in eternal lines to time thou grows't:
So long as men can breathe or eyes can see,
So long lives this, and this gives life to thee.

******
Devrais-je te comparer à un jour d'été ?
Tu es plus tendre et bien plus tempéré.
Des vents violents secouent les chers boutons de mai,
Et le bail de l'été est trop proche du terme.
Parfois trop chaud l'oeil du ciel brille,
Souvent sa complexion dorée ternie,
Toute beauté un jour décline,
Par hasard, ou abîmée au cours changeant de la nature;
Mais ton éternel été ne se flétrira pas,
Ni perdra cette beauté que tu possèdes,
Et la Mort ne se vantera pas que tu erres parmi son ombre,
Quand en rimes éternelles à travers temps tu grandiras;
Tant que les hommes respireront et tant que les yeux verront,
Aussi longtemps que vivra ceci, cela te gardera en vie.
(traduction Wikipédia)
Buisson de roses de Monet

 Quand vous serez bien vieille Pierre de Ronsard,

   
 Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz chantant mes vers, en vous émerveillant :
"Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle."
Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je serai sous la terre, et fantôme sans os
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.

Sonnets pour Hélène, 1578.



Challenge initié par Maggie et Claudialucia




Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :
Alex : Mot-à-mots Alinea66 : Des Livres… Des Histoires…Anne : Des mots et des notes, Azilis : Azi lis, Cagire : Orion fleur de carotte, Chrys : Le journal de Chrys, Ckankonvaou : Ckankonvaou, Claudialucia : Ma librairie, Daniel : Fattorius, Edelwe : Lectures et farfafouilles, Emmyne : A lire au pays des merveilles, Ferocias : Les peuples du soleil, George : Les livres de George, Hambre : Hambreellie, Herisson08 : Délivrer des livres?, Hilde : Le Livroblog d’Hilde , Katell : Chatperlipopette, L’Ogresse de Paris : L’Ogresse de Paris, L’or des chambres : L’Or des Chambres, La plume et la page : La plume et la page, Lystig : L’Oiseau-Lyre (ou l’Oiseau-Lire), Mango : Liratouva, MyrtilleD : Les trucs de Myrtille, Naolou : Les lectures de Naolou,Oh ! Océane !, Pascale : Mot à mot, Sophie : Les livres de Sophie, Wens : En effeuillant le chrysanthème, Yueyin : Chroniques de lectures Océane :

mardi 7 juin 2011

Dimanche poétique : Ophélie de Rimbaud

Challenge Shakespeare oblige. je suis en train de lire Hamlet et vais bientôt publier un billet consacré à Ophélie. Alors je suis allée relire le poème bien connue de Rimbaud...

Ophélie de Odilon Redon


 I

Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles ...
On entend dans les bois lointains des hallalis.

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir.
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.

Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.

Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid d'où s'échappe un petit frisson d'aile:
Un chant mystérieux tombe des astres d'or.

II

Ô pâle Ophélia! belle comme la neige!
Oui, tu mourus, enfant, par un fleuve emporté!
- C'est que les vents tombant des grands monts de Norvège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté;

C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits;
Que ton cœur entendait la voix de la Nature
Dans les plaines de l'arbre et les soupirs des nuits;

C'est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux;
C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit, muet, à tes genoux !

Ciel! Amour! Liberté! : quel rêve, ô pauvre Folle!
Tu te fondais à lui comme une neige au feu:
Tes grandes visions étranglaient ta parole
- Et l'Infini terrible effara ton œil bleu.

III


- Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis,
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotte, comme un grand lys

                                                        Arthur Rimbaud 


Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :

samedi 4 juin 2011

Dimanche poétique : Gérard de Nerval et la Grèce Delfica de Gérard de Nerval




 
Ils reviendront, ces Dieux que tu pleures toujours !
Le temps va ramener l'ordre des anciens jours;
La terre a tressailli d'un souffle prophétique...

Cependant la sibylle au visage latin
Est endormie encor sous l'arc de Constantin
-Et rien n'a dérangé le sévère portique. Delfica

Le connais-tu, Dafné, cette ancienne romance,
Au pied du sycomore, ou sous les lauriers blancs,
Sous l'olivier, le myrte, ou les saules tremblants,
Cette chanson d'amour qui toujours recommence ?...

Reconnais-tu le Temple au péristyle immense,
Et les citrons amers où s'imprimaient tes dents,
Et la grotte, fatale aux hôtes imprudents,
Où du dragon vaincu dort l'antique semence ?...

Ils reviendront, ces Dieux que tu pleures toujours !
Le temps va ramener l'ordre des anciens jours;
La terre a tressailli d'un souffle prophétique...

Cependant la sibylle au visage latin
Est endormie encor sous l'arc de Constantin
-Et rien n'a dérangé le sévère portique.

Temple de Zeus Athènes : et rien n'a dérangé le sévère portique...

Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :
Alex : Mot-à-mots Alinea66 : Des Livres... Des Histoires...Anne : Des mots et des notes, Azilis : Azi lis, Cagire : Orion fleur de carotte, Chrys : Le journal de Chrys, Ckankonvaou : Ckankonvaou, Claudialucia : Ma librairie, Daniel : Fattorius, Edelwe : Lectures et farfafouilles, Emmyne : A lire au pays des merveilles, Ferocias : Les peuples du soleil, George : Les livres de George, Hambre : Hambreellie, Herisson08 : Délivrer des livres?, Hilde : Le Livroblog d'Hilde , Katell : Chatperlipopette, L'Ogresse de Paris : L'Ogresse de Paris, L'or des chambres : L'Or des Chambres, La plume et la page : La plume et la page, Lystig : L'Oiseau-Lyre (ou l'Oiseau-Lire), Mango : Liratouva, MyrtilleD : Les trucs de Myrtille, Naolou : Les lectures de Naolou, Océane : Oh ! Océane !, Pascale : Mot à mot, Sophie : Les livres de Sophie, Wens : En effeuillant le chrysanthème, Yueyin : Chroniques de lectures

mercredi 1 juin 2011

Dimanche Poétique : Nul n'entend mes cris...


Brancusi : la muse endormie


Après mon article précédent du samedi 21 Mai sur la charte des droits de la femme, j'ai eu envie de vous faire connaître ce poème qui décrit encore, hélas! la condition de la femme dans de nombreux pays de notre planète.
Je suis celle que chantent les poètes,- l'intarissable source ou puise le génie-, l'apparition, la madone, l'égérie-celle qui suscite le rêve, qui purifie l'eau trouble,-je suis le creuset, la matrice,- la vasque d'où jaillit le vers triomphant,-où résonne l'image de la musique;-je suis celle qui enfante, qui materne, celle qui enchante, l'omniprésente. -Les Hommes me pleurent et me désirent, les poètes me crient, me soupirent,-Tous me portent aux nues... Mais je ne suis pas entendue. Je suis parlée mais je ne parle pas,- je suis écrite, mais je n'écris pas.- Je suis peinte, dépeinte, sculptée,- le pinceau et le ciseau me sont étrangers.- Nul n'entend mes cris silencieux,- ne voit ma bouche béante et muette, - mes doigts crispés, mes mains ouvertes,- Mes larmes de pierre, mon coeur saigne... Je suis celle qui n'a pas de langage, celle qui n'a pas de visage, celle qui n'existe pas.. La Femme...

J'aime beaucoup cette poésie que j'ai copiée il y a bien des années dans un recueil personnel mais j'ai oublié quel en est l'auteur. Et vous, le connaissez-vous?


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Sculpture de Linda Le Kinff 

Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :