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jeudi 19 septembre 2013

Gyles Brendeth : Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles



Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles est le premier livre d'une série policière dont le personnage principal et le détective est Oscar Wilde. Gyles Brandeth qui a concocté pour nous cette histoire est un spécialiste de l'écrivain et de l'époque victorienne. Il fait revivre avec brio et érudition ce personnage haut en couleur  ainsi que celui de Conan Doyle, de Constance Wilde, son épouse, et de son ami Robert H. Sherard  qui est devenu, par la suite, son biographe enthousiaste et inconditionnel.

Oscar Wilde découvre dans un appartement en location un jeune homme assassiné. Le meurtre semble rituel puisque le corps est disposé sur le sol, entouré de chandelles. Billy Wood,  la victime, est d'un milieu modeste et d'une grande beauté et sa mort bouleverse Wilde. Mais, le lendemain, lorsqu'il se décide à aller à voir le commissaire Fraser à Scotland Yard, le corps a disparu et aucune trace du meurtre ne subsiste. L'enquête est abandonnée avant d'avoir commencé. Oscar Wilde décide alors, aidé de son ami Robert Sherard, de tout mettre en oeuvre pour retrouver le meurtrier.

Gyles Brandeth place Robert Sherard dans le rôle du narrateur alors que devenu vieux, à la veille de la seconde guerre mondiale, il se souvient de cette affaire survenue en 1889.  Ce choix est habile  car il permet un va-et-vient entre ce que voit le jeune narrateur ignorant et ce que le narrateur âgé sait de Wilde, de son l'homosexualité, de ses rapports avec sa femme Constance, son procès, sa fin tragique et désargentée à Paris. L'un éclairant l'autre.

Plus que l'histoire policière elle-même, j'ai beaucoup apprécié  le portrait que Brandeth brosse de Wilde, un homme brillant, érudit, spirituel qui exerçait sur son entourage une véritable fascination. L'écrivain introduit avec habileté des pensées de Wilde, des extraits de son oeuvre, au cours de conversations qui paraissent prises sur le vif. Le caractère de l'écrivain victorien, ses idées sur l'esthétique, son refus de la morale dans l'art, son esprit, sa prodigalité, son dandysme,  nourrissent la lecture et suscitent un vif plaisir. La références à l'art, la littérature, l'apparition d'artistes, de peintres, de directeurs de théâtre, d'écrivains célèbres font de ce roman policier un agréable moment de lecture.

Quelques maximes d'Oscar Wilde ou qui lui sont attribuées dans le roman de Gyles Brandeth

Le mariage est aussi démoralisant que les cigarettes et bien plus coûteux.

On ne peut rien apprécier sans avoir auparavant souffert de  son excès.

J'ai des goûts simples, je ne prends que ce qu'il y a de meilleur.

Les femmes sont faites pour être aimées, non comprises. 

La caricature est l'hommage que la médiocrité paie au génie.

Vivre est la chose la plus rare au monde; Beaucoup de gens ne se contente que d'exister.

Les acteurs sont vraiment des gens heureux ; ils peuvent choisir de jouer soit la tragédie soit la comédie, de souffrir ou d’égayer, de faire rire ou de faire pleurer. Mais dans la vie réelle, c’est différent.




jeudi 27 juin 2013

Kate Summerscale : L'affaire de Road Hill House

Le mois anglais de Lou et Titine

Le livre de Kate Summerscale L'affaire de Road Hill House est une lecture très intéressante. J'attendais un roman, je découvre un reportage historique selon les mots d'une journaliste, sur un meurtre commis en 1860 et analysé par une écrivaine du XXI ème siècle.

En 1860, en effet, le corps d'un petit garçon, Saville Kent, est retrouvé, la gorge tranchée. Qui a pu commettre un acte aussi barbare dans une maison qui était fermée pour la nuit et d'où l'on ne pouvait pénétrer de l'extérieur? Seul un membre de la maisonnée peut être coupable. Les soupçons se portent tour à tour sur la nurse, le père, la soeur, les domestiques… Le célèbre détective de Scotland Yard, Jack Witcher qui a réellement existé, mène l'enquête. Mais  l'affaire est passablement embrouillée…

Le roman est intéressant parce qu'il nous fait pénétrer dans l'intimité d'une famille de l'époque victorienne et révèle ainsi l'envers du décor, les atteintes à la morale sous la respectabilité, les cruautés ensevelies sous le secret, la vérité sous l'apparence. Dans un siècle où la famille est considérée comme le fondement inaltérable de la société, où le mariage est une institution sacrée, l'affaire de Road Hill House lève le voile et la réalité qu'elle reflète crée un séisme dans le pays. Kate Summerscale s'appuie sur  les archives du procès, les rapports des détectives qui se sont succédés, les articles des journaux, des documents précis qui explorent les moindres détails même ceux les plus intimes concernant la vie de la famille et de son entourage.
Les procédés policiers donnaient nécessairement dans le sordide : on mesurait les tours de poitrine, on examinait le linge de nuit en quête de sueur et de sang, on posait des questions indélicates à des jeunes femmes respectables.
Une image bien trouble de cette société apparaît dans laquelle l'homme peut non seulement pratiquer l'adultère avec la gouvernante de ses enfants mais encore reléguer sa femme à un rang subalterne, la priver de l'amour de ses enfants et la faire passer pour folle si elle le dérange dans sa vie sexuelle, un monde où la gouvernante devenue la nouvelle épouse peut privilégier ses propres enfants au détriment des premiers nés comme la marâtre des contes. Kate Sumerscale ressuscite ainsi les protagonistes de l'histoire en brossant des portraits psychologiques complexes et tourmentés où les zones d'ombre recouvrent bien trop souvent les espaces de clarté.
Un meurtre tel que celui-ci pouvait révéler ce qui avait pris forme à l'intérieur du foyer claquemuré de la classe moyenne. Il apparaissait que la famille cloîtrée, tant vantée par la société victorienne, pouvait entretenir un refoulement nocif et nauséabond des affects, un miasme tant sexuel qu'émotionnel.
En même temps, Kate Sumerscale nous fait découvrir les balbutiements des méthodes des enquêteurs, le vocabulaire qui se crée pour donner un nom à ses nouvelles formes d'investigation; elle nous fait pénétrer dans le milieu des détectives de Scotland Yard, un corps de police qui vient d'être créé et dont certains éléments, brillants, (comme Jack Witcher que Dickens admirait) vont servir de modèle à la vogue des grands détectives de l'histoire de la littérature.
Ce qui ajoute, en effet, à l'intérêt de ce reportage historique, c'est que l'écrivaine met en liaison les différents faits de cette enquête avec la littérature : Ainsi Witcher inspira à Collins le personnage du sergent Cuff, le détective de Pierre de lune, amateur de roses. La première Mrs Kent considérée comme folle est enfermée comme l'épouse de Rochester dans Jane Eyre mais peut-être ne l'est-elle pas comme La dame en blanc de Wilkie Collins? Dans Bleak House, Dickens imagine ce que ressent sir Leicester Deadlock lorsqu'on fouille son domicile, en référence avec ce qu'a dû éprouver Mr Kent, le père de Saville. Le secret de lady Audley d'Elizabeth  Braddon est directement inspiré de l'affaire de Road Hill House avec le personnage de la gouvernante ayant épousé un homme de qualité et  un assassinat brutal et mystérieux :
Ses personnages étaient fascinés par le travail du détective et, terrifiés à l'idée d'une révélation publique. L'histoire de Braddon formulait l'inquiétude et le bouleversement suscités par le meurtre de Saville Kent.
Le roman de Kate Sumerscale dresse donc à travers l'enquête policière et le mystère un  panorama de la société victorienne et de ses moeurs et un portrait réussi de personnes disparues depuis longtemps mais représentatifs de cette société; elle peint aussi d'une manière plus générale - l'affaire Saville  Kent passionnera Freud en 1907-  les tourments  et les noirceurs de l'âme humaine.

Lecture commune avec Lou, Miss Leo, Valou, Adalana, Syl, Titine

Dasola



Challenge d'Aymeline

lundi 27 mai 2013

Les mystères d' Udolphe de Ann Radcliffe et Northanger abbey de Jane Austen



Depuis ma lecture de Northanger Abbey de Jane Austen où il est souvent question du livre d'Ann Radcliffe, Les mystères d'Udolphe, qui fait les délices de l'héroïne Catherine Morland, j'ai eu envie de lire ce roman gothique.

 Mais vous, ma douce Catherine, qu’avez-vous fait ce matin ? Avez-vous beaucoup lu dans Udolphe ? — Beaucoup… J’en suis au voile noir. — Déjà !… Quelle charmante lecture !… pour le monde entier, je ne vous dirais pas ce qui est derrière ce voile. Vous avez bien envie de le savoir ? — Oh oui ! j’en suis bien impatiente. Qu’est-ce que cela peut être ? Mais ne me le dites pas. Je n’aime pas à savoir les choses d’avance. Il me semble que ce doit être un squelette : je suis sûre que c’est celui de Laurencia. J’aime ce roman à la folie : je pourrais passer ma vie entière à le lire : je vous assure que si ce n’eût été pour venir avec vous, rien au monde ne me l’aurait fait quitter.

 Et voilà , c'est chose faite, bien des années après ma découverte du livre de Jane Austen. Et je dois dire que ce livre m'a surprise car il est très différent de ce que j'attendais; j'expliquerai pourquoi à la fin de ce billet. Sa lecture m'a été agréable bien que je n'aie plus l'âge de Catherine depuis longtemps et que, je dois le dire, je n'ai pas eu aussi peur qu'elle ! De plus le roman a un côté un peu désuet que j'adore!


Le récit
Emily Saint-Aubert vit avec ses parents dans le sud-est de la France en 1584. A la mort de sa mère, elle entreprend un voyage avec son père au cours duquel les voyageurs rencontrent le chevalier Valancourt, un jeune homme plein de sensibilité et d'honnêteté. Monsieur de Saint-Aubert meurt pendant leur périple et demande à être inhumé près du tombeau de la Marquise de Villeroi. Mais qui est cette femme et quels sont les liens qui l'unissent au père d'Emilie?  
Saint-Aubert a confié la tutelle de sa fille à sa soeur, Madame Chéron, veuve arrogante et fière qui n'est intéressée que par la fortune et le rang. Elle s'oppose au mariage d'Emilie avec Valancourt  et après avoir épousé un noble italien, le Signor Montoni, qu'elle croit fortuné et influent, elle amène sa nièce à Venise. Hélas! cet homme se révèle sans fortune, il n'a épousé la tante que par cupidité et veut marier de force Emilie au comte Morano. 
Il amène les deux femmes au château d'Udolphe où il vit avec une bande de pillards dans cette forteresse isolée que l'on dit hantée. Les pires rumeurs courent sur la disparition de la comtesse, ancienne propriétaire, dont a hérité Montoni.. Manifestations surnaturelles, mystères, meurtres, exactions.. Désormais, Emily est prisonnière de ce dangereux personnage. Comment échappera-t-elle à tous ces dangers? Retrouvera-t-elle Valancourt? Tous les mystères seront-ils résolus?


Les caractères gothiques du roman


 Le tableau de Fuesli intitulé Cauchemar qui  a servi d'image pour la première de couverture de l'édition de Archipoche rend bien l'atmosphère gothique du roman

Les mystères d'Udolphe d'Ann Radcliffe paraît en 1794 et est traduit en France en 1797. C'est un roman gothique, style littéraire qui a été à la mode à la fin du XVIII siècle en Angleterre et qui exercera une grande influence sur la littérature française et sur le romantisme français au début du XIX siècle.  Il présente, en effet, toutes les caractéristiques du roman gothique dit aussi "roman noir" :  le récit est complexe et long, entrecoupé d'évènements effrayants, de meurtres, de mystères, d'irruption du surnaturel,  d'histoires d'amour contrariées.

Les caractères romantiques du roman


Caspar Friedrich

Dans Les mystères d'Udolphe, le sentiment de la nature est très vif et préfigure l'engouement du romantisme pour la montagne, les paysages grandioses, majestueux ou torturés, déserts, précipices, à-pics qui frappent l'imagination, donnent le vertige. Il y a de très belles descriptions du Languedoc et de la Gascogne, de la  riche vallée de la Garonne qui promenait ses flots majestueux.., des Pyrénées, puis plus tard des Alpes, de l'Italie. Ces passages témoignent du goût du voyage et de la nature que l'on retrouvera dans les romans, les relations de voyage, les lettres des écrivains mais aussi les tableaux de nombreux peintres romantiques :


Karl Blechen : Le pont du Diable

 La route passait, tantôt le long d'affreux précipices, tantôt le long de sites les plus gracieux. (...) Il fit claquer son fouet et sans égard ni pour la difficulté du chemin ni pour la vie de ses pauvres mules, il les mit au grand galop, au bord d'un précipice dont l'aspect faisait frissonner; l'effroi  d'Emilie  la priva presque de ses sens.(…)
Tout y était solitaire et stérile; on y voyait aucune créature vivante que le bouquetin des montagnes qui, parfois, se montrait tout à coup sur la pointe élancée de quelque roche inaccessible.
  
 Caspar David Friedrich : ruines en hiver

Les ruines, les abbayes ou les châteaux sont aussi des lieux privilégiés pour nourrir le mystère.
Voilà Udolphe dit Montoni, qui parlait pour la première fois depuis des heures.
Emilie regarda le château avec une sorte d'effroi.. Quoiqu'éclairé  par le soleils couchant, la gothique grandeur de son architecture, ses antiques murailles de pierre grise, en faisait un objet imposant et sinistre.


 Carl Philipp Forth : paysage romantique italien

 Enfin l'Italie, avec ses paysages ensoleillés et ses villes artistiquement riches et florissantes constituera aussi un engouement pour le romantisme, par amour des contrastes vifs, de l'ombre et de la lumière, de l'austérité à la richesse, de la sévérité à la douceur.
Mais qui pourrait décrire le ravissement d'Emilie, lorsqu'en sortant d'une mer de vapeurs, elle découvrit, pour la première fois, l'Italie! Du bord d'un de ces précipices affreux et menaçants du Mont-Cénis, qui gardent l'entrée de ce pays enchanteur, elle promena ses regards à travers les nuages qui flottent encore à ses pieds. Elle vit les riches vallées du Piémont, les plaines de la Lombardie se perdre dans un lointain confus.

Divergences avec le romantisme

Le roman s'oppose  pourtant aux idées qui seront celles du romantisme qui chante la passion et l'amour fou, pour faire l'éloge de la raison, la patience et la vertu.
Valancourt, après avoir quitté la voie de la sagesse revient dans le droit chemin. Avec Emilie qui a toujours observé les enseignements de son père sur la supériorité de la raison, il va enfin pouvoir goûter un bonheur bien mérité :
… tendant sans cesse à la perfection de l'intelligence, ils jouirent des douceurs d'une société éclairée, des plaisirs d'une bienfaisance active, et comment les bosquets de la Vallée redevinrent le séjour de la sagesse et le temple de la félicité domestique!
On croirait entendre des accents voltairiens, la fin de Candide par exemple! Par cet aspect de son oeuvre, Ann Radcliffe est plus proche du XVIII siècle que du romantisme, tout comme Jane Austen d'ailleurs.

Jane Austen et Ann Radcliffe

En lisant le roman de Jane Austen, Northanger abbey qui parlait de Les mystères d'Udolphe, je m'étais fait une idée de ce roman très différente de la réalité.

Je pensais que le roman d'Ann Radcliffe se déroulait en Angleterre, dans un château perdu au milieu du brouillard et des landes désertes, semblable aux paysages d'Emily Brontë. Or, le récit se déroule en France, dans la région du sud-est, puis à Venise et au nord de l'Italie où se trouve le château d'Udolfo. Preuve que j'avais oublié l'enthousiasme de Catherine qui s'exclame  à propos des lieux :
Voilà midi vingt minutes, et le temps ne change pas, dit Catherine en soupirant. Que nous serions heureux si nous avions ici le climat de l’Italie ou du midi de la France ! Là il fait toujours si beau, suivant les charmantes descriptions du roman d’Udolphe : quel superbe temps il faisait la nuit de la mort du pauvre Saint-Aubin.
Quand je me promène sur le bord de la rivière, je ne vois jamais ce lieu sans penser au midi de la France, dit Catherine.
— Vous avez été en France ! reprit Henri avec surprise.
— Oh ! non : je ne la connais que par ce que j’en ai lu. J’ai toujours présent à l’imagination le voyage que, dans les Mystères d’Udolphe, Emilie fit en France avec son père…

 Jane Austen se moque gentiment de son héroïne Catherine qui cherche à revivre dans la confortable abbaye de Northanger les mêmes aventures que celles d'Emilie, prisonnière de brigands sanguinaires, dans le château Udolphe.  j'en avais déduit que Les mystères d'Udolphe était peuplé d'apparitions fantasmagoriques, effroyables, que l'irrationnel y régnait en maître or toutes les péripéties extraordinaires qui surviennent dans le récit sont expliquées par la suite d'une manière très réaliste.



Enfin, il me semblait, dans mon souvenir lointain, que Jane Austen, rationnelle elle-même, anti-romantique ne devait pas aimer Ann Radcliffe. Il n'en est rien.
Jane Austen, en tant que romancière, prend la défense du roman en général à plusieurs reprises :
Pourtant quelle branche de littérature est plus vaste et plus agréable ? Laquelle procure plus de plaisir ? Quel mortel, sachant lire, n’a parcouru quelquefois, souvent même, avec intérêt ces ouvrages qui charment la pente qui nous entraîne vers le merveilleux ?… et n’a lu avec délices ceux qui retracent si bien tous les secrets du cœur et les divers évènements de la vie… Nous ne rencontrons partout que des ennemis ; nous ne recueillons que le blâme, et nos ouvrages sont dans toutes les mains ! Et c’est dans nos productions que ces ennemis eux-mêmes viennent chercher quelques idées agréables, quelques souvenirs de bonheur, quelques moments de distraction.

Et la défense de Ann Radcliffe en particulier!  La preuve c'est qu'elle met dans la bouche de Thorpe, un personnage peu sympathique, la critique négative de ce roman (que par ailleurs il n'a pas lu) :
Avez-vous lu Udolphe, dit-elle, M. Thorpe ? — Udolphe ! Ma foi, non : je ne lis jamais de romans ; j’ai bien autre chose à faire. Catherine humiliée et honteuse allait justifier sa question, quand il la prévint. — Les romans, ajouta-t-il, sont tous pleins de sottises et d’invraisemblances ; il n’y en a pas un seul de supportable ; depuis Tom Jones, excepté le Moine, que j’ai lu l’autre jour, tous les autres sont les plus stupides productions du monde. — Je crois que vous aimeriez Udolphe, si vous le lisiez ; il est si intéressant ! — Non, ma foi : si j’en lis jamais, ce ne sera que les romans de Mistriss Radcliff ; ceux-là sont assez amusants ; il s’y trouve de la gaieté, du naturel. — Mais Udolphe est de Mistriss Radcliff, dit Catherine avec un peu d’embarras causé par la crainte de mortifier.

Par contre l'éloge du roman est fait par le sympathique et charmant Tilney dont Catherine est amoureuse  :
Je suis sûre que vous ne lisez jamais de romans ?
— Pourquoi n’en lirais-je pas ?
— Parce que ce ne sont pas des livres assez savants pour vous. Les hommes en lisent de meilleurs que les romans.
— Ce serait pour un savant comme pour une jeune dame faire preuve de peu d’esprit que de ne pas se plaire à la lecture d’un bon roman. J’ai lu tous les ouvrages de Miss Radcliff ; il en est plusieurs qui m’ont causé un grand plaisir. Pour Udolphe, quand je tenais le livre, je ne pouvais le quitter ; je me souviens de l’avoir lu tout entier en deux jours. Depuis le commencement jusqu’à la fin, je sentais mes cheveux se dresser sur ma tête.

Le cousinage entre Radcliffe et Austen 



Enfin, il est certain que l'auteur de Raison et Sentiment  devait se sentir très proche des paroles que Ann Radcliffe attribue à monsieur Saint-Aubert  : Je me suis efforcé lui dit-il de vous donner dès vos premières années, un véritable empire sur vous-même, je vous en ai représenté l'importance dans toute la conduite de la vie; c'est cette qualité qui nous soutient contre les plus dangereuses tentations du vice, et nous rappelle la vertu; c'est lui qui modère l'excès des émotions les plus vertueuses.
 Je ne voudrais pas étouffer votre sensibilité mon enfant, je ne voudrais qu'en modérer l'intensité. 


Lecture commune de : Aaliz,  Nathalie,  Shelbylee,  Claudialucia

Voir aussi Cléanthe







Les mystères d'Udolphe Folio Gallimard 
ou Les mystères d'Udolphe Archipoche