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jeudi 27 juillet 2023

Stefan Zweig : La peur mise en scène par Elodie Menant à la Scala de Provence

 

A la Scala de Provence

 

 LA SCALA DE PROVENCE : LA PEUR

Présentation du programme du Off

 Un univers à la Hitchcock.

Dans les années 50, Irène, mère au foyer, trompe son mari, Fritz, avocat pénal. Un soir, une femme l’interpelle à la sortie de chez son amant. Elle prétend être la petite amie de ce dernier, interdit à Irène de revenir le voir et lui réclame de l’argent en échange de son silence. Dès lors, Irène vit dans la hantise que son mari apprenne sa liaison et s’enferme dans le mensonge. Entre Hallucinations, manipulations, quête de la vérité, cette pièce nous tient en haleine de bout en bout… jusqu’au dénouement final saisissant, véritable renversement de situation. Du grand Stefan Zweig !

 

Mon avis

 Non, ce n'est pas du grand Stefan Zweig ! C'est tout autre chose que Stefan Zweig ! C'est du Elodie Menant, la metteuse en scène, qui a tiré à soi l'oeuvre de l'écrivain pour en faire une pièce féministe ! Donc, on peut même dire que c'est tout à l'opposé de la nouvelle et des idées de Stefan Zweig.

En fait, dans la nouvelle, Irène, la femme adultère, est soulagée, heureuse et reconnaissante à son mari quand elle est pardonnée et que le cauchemar se termine. (voir ci-dessous mon billet que je republie). Quand j'ai lu le livre, cela m'a d'ailleurs un peu choquée qu'elle réagisse ainsi et qu'elle accepte ce que son mari lui avait fait ... Je ne développe pas plus pour vous laisser l'effet de surprise du dénouement. Puis, je me suis dit qu'il ne fallait pas juger avec la mentalité de mon époque. En 1920, date de la publication de la nouvelle, une femme de ce milieu ne pouvait penser autrement!  

Dans la pièce de théâtre, non seulement Irène n'est pas soulagée mais, encore, elle est révoltée et s'indigne. Elle juge que son mari, aussi, a mal agi envers elle, que les torts sont partagés et que le pardon doit être réciproque. C'est pourquoi Elodie Menant a transposé sa pièce dans les années 50, à l'aube de la timide et très relative indépendance de la femme.

Et pourquoi pas ? Peut-être est-ce dommage que le personnage du mari soit plus violent qu'il ne l'est dans la nouvelle. Il n'est pas nécessaire de le rendre antipathique. Le procédé qu'il emploie pour obtenir l'aveu de sa femme est déjà assez cruel !  Stefan Zweig est plus subtil dans l'analyse de ses personnages.

L'interprétation est bonne, la peur, les tourments des personnages sont bien rendus.

 Je n'ai pas trop aimé le décor, les murs très hauts de cet appartement, enserrant les personnages, m'ont gênée.

Un pièce intéressante !

 

PS :  Ma petite-fille (13 ans) s'est ennuyée. Elle dit que les personnages font beaucoup d'histoires pour pas grand chose ! L'adultère ?  Après tout, une femme a  bien le droit d'avoir un autre amoureux si elle ne veut plus de son mari ! 2023 ! Et oui, nous ne sommes plus en 1920 ni même en 1950 !

 

Interprètes / Intervenants

  • Mise en scène : Elodie Menant
  • Interprète(s) : Hélène Degy, Aliocha Itovitch, Ophélie Marsaud, Elodie Menant
  • Régisseur : Damien Peray
  • Costumière : Cecile Choumiloff
  • Créateur lumière : Olivier Drouot
  • Constructeur : Olivier Defrocourt
Compagnie Carinae

 

LA SCALA DE PROVENCE

La peur
Durée : 1h15
du 7 au 29 juillet - Relâches : 10, 17, 24 juillet

à 19h30

 

 

LA PEUR  de Stefan Zweig

La peur est une nouvelle de Stefan Zweig  dans laquelle l’écrivain analyse les sentiments d’une femme infidèle en butte à un chantage.

Irène Wagner a un amant, un pianiste de milieu modeste. Un jour qu’elle sort de chez lui, elle est abordée par une femme d’apparence vulgaire qui lui reproche de lui avoir pris son amant. Désormais la peur s’empare de la jeune femme. L’inconnue la suit et la fait chanter, lui extorque de l’argent. Un jour, elle va jusqu’à s’introduire chez elle en présence de son mari et ses enfants. La peur devient  obsession, vire au cauchemar dans une sorte de crescendo étouffant malgré les tentatives de son mari qui s’aperçoit de son trouble et semble prêt à l’écouter. Elle n’ose plus sortir de chez elle, vit dans l’attente d’une catastrophe, se sent constamment menacée.

"Elle se sentait malade. Elle devait parfois s'asseoir subitement, tant son coeur était pris de palpitations violentes ; le poids de l'inquiétude répandait dans tous ses membres le suc visqueux d'une fatigue presque douloureuse, qui refusait pourtant de céder au sommeil;"

Stefan Zweig analyse les sentiments de cette grande bourgeoise, femme de magistrat, qui toujours eu une vie protégée et facile. N’est-ce pas par ennui et non par passion qu’elle a pris un amant ?

"Blottie paresseusement dans la tranquillité d’une existence bourgeoise et confortable, elle était tout à fait heureuse aux côtés d’un mari fortuné, qui lui était intellectuellement supérieur, et de leurs deux enfants. Mais il est une mollesse de l’atmosphère qui rend plus sensuel que l’orage ou la tempête, une modération du bonheur plus énervante que le malheur. La satiété irrite autant que la faim, et la sécurité, l’absence de danger dans sa vie éveillait chez Irène la curiosité de l’aventure."

Elle prend alors conscience de tout ce qu’elle va perdre si son mari découvre son infidélité :  ses enfants, un mari qu’elle aime, une vie aisée… Il se passe peu de choses dans cette nouvelle, tout tient dans l’intensité dramatique que Stefan Zweig a su créer. C’est avec une rare maîtrise qu’il analyse la psychologie de ce personnage féminin dont on l’impression qu’il a le pouvoir de pénétrer la conscience et de la mettre à nue devant nous.

Une lecture prenante, d’une telle force et d’une telle acuité que l’on ne peut s'arrêter dans la lecture jusqu’au dénouement. Pourtant celui-ci ne m'a pas surprise car je m’y attendais un peu mais, à mon avis, ce n'est pas ce qui est important. 

 J’ai lu cette nouvelle parce que je vais assister à la pièce adaptée à la scène  au festival d’Avignon le 16 juillet à La Scala de Provence. Je vous dirai ce que j’en pense en temps voulu. Je dois dire que je suis curieuse de voir comment on peut rendre au théâtre cette urgence de la lecture qui s'empare du lecteur et cette profondeur dans l’analyse.

 

samedi 1 juillet 2023

Stefan Zweig : La peur et adaptation de La peur au théâtre par la

 

 

La peur est une nouvelle de Stefan Zweig  dans laquelle l’écrivain analyse les sentiments d’une femme infidèle en butte à un chantage.

Irène Wagner a un amant, un pianiste de milieu modeste. Un jour qu’elle sort de chez lui, elle est abordée par une femme d’apparence vulgaire qui lui reproche de lui avoir pris son amant. Désormais la peur s’empare de la jeune femme.  L’inconnue la suit  et la fait chanter, lui extorque de l’argent. Un jour, elle va jusqu’à s’introduire chez elle en présence de son mari et ses enfants. La peur devient  obsession, vire au cauchemar dans une sorte de crescendo étouffant malgré les tentatives de son mari qui s’aperçoit de son trouble et semble prêt à l’écouter. Elle n’ose plus sortir de chez elle, vit dans l’attente d’une catastrophe, se sent constamment menacée.

"Elle se sentait malade. Elle devait parfois s'asseoir subitement, tant son coeur était pris de palpitations violentes ; le poids de l'inquiétude répandait dans tous ses membres le suc visqueux d'une fatigue presque douloureuse, qui refusait pourtant de céder au sommeil;"

Stefan Zweig analyse les sentiments de cette grande bourgeoise, femme de magistrat, qui toujours eu une vie protégée et facile. N’est-ce pas par ennui et non par passion qu’elle a pris un amant ?

"Blottie paresseusement dans la tranquillité d’une existence bourgeoise et confortable, elle était tout à fait heureuse aux côtés d’un mari fortuné, qui lui était intellectuellement supérieur, et de leurs deux enfants. Mais il est une mollesse de l’atmosphère qui rend plus sensuel que l’orage ou la tempête, une modération du bonheur plus énervante que le malheur. La satiété irrite autant que la faim, et la sécurité, l’absence de danger dans sa vie éveillait chez Irène la curiosité de l’aventure."

Elle prend alors conscience de tout ce qu’elle va perdre si son mari découvre son infidélité :  ses enfants, un mari qu’elle aime, une vie aisée… Il se passe peu de choses dans cette nouvelle, tout tient dans l’intensité dramatique que Stefan Zweig a su créer. C’est avec une rare maîtrise qu’il analyse la psychologie de ce personnage féminin dont on l’impression qu’il a le pouvoir de pénétrer la conscience et de la mettre à nue devant nous.

Une lecture prenante, d’une telle force et d’une telle acuité que l’on ne peut s'arrêter dans la lecture jusqu’au dénouement. Pourtant celui-ci ne m'a pas surprise car je m’y attendais un peu mais, à mon avis, ce n'est pas ce qui est important. 

 J’ai lu cette nouvelle parce que je vais assister à la pièce adaptée à la scène  au festival d’Avignon le 16 juillet à La Scala de Provence. Je vous dirai ce que j’en pense en temps voulu. Je dois dire que je suis curieuse de voir comment on peut rendre au théâtre cette urgence de la lecture qui s'empare du lecteur et cette profondeur dans l’analyse.

mercredi 30 novembre 2022

Marlen Haushofer : Le mur invisible


Voilà un livre que j’ai lu depuis longtemps sans publier de billet mais pourtant ce roman le mérite bien.

Un roman post-apocalyptique

Le mur invisible film de Julian Roman Pölsler.(2012)

Le mur invisible de Marlen Haushofer, paru en 1963  dans le contexte de la guerre froide reprend un thème qui était à la mode à l’époque - on comprend pourquoi -  et qui d’ailleurs n’a jamais cessé de l’être ( et pour cause ! ). Il s’agit de la destruction de la planète par des armes et une technologie toujours plus recherchée et meurtrière.

En 1972, j’ai lu aussi le Malevil de Robert Merle que vous devez connaître si vous avez le même âge que moi et qui est vraiment à lire, si ce n’est fait !
Lorsque les hommes cesseront d’inventer des armes de plus en plus sophistiquées pour mieux s’entretuer, les romans post-apocalyptiques n’auront plus de raison d’exister, mais en attendant il y a et il y aura toujours, j’espère, des écrivains pour nous en parler et nous secouer !

Marlen Haushofer, une féministe

Marlen Haushofer, autrichienne, a vécu son enfance dans un maison forestière  (son père était garde forestier). Elle a fait ses études dans les années 30, s’est spécialisée à l’université dans la philologie allemande, a connu la guerre et le nazisme. Plus tard, elle eut du mal à concilier son rôle de mère et d’écrivain à une époque où la société patriarcale fonctionnait sur le principe de la mère au foyer, femme d’intérieur modèle. De là naît un sentiment d’enfermement, d’isolement au monde et d'angoisse que l’on retrouve dans le personnage féminin de son roman Le mur invisible dans lequel elle met beaucoup d’elle-même…

Quand je me remémore la femme que j’ai été, la femme au léger double menton qui se donnait beaucoup de mal pour paraître plus jeune que son âge, j’éprouve de la sympathie. Je ne voudrais pas la juger trop sévèrement. Il ne lui a jamais été donné de prendre sa vie en main. Encore jeune fille, elle se chargea en toute inconscience d’un lourd fardeau et fonda une famille, après quoi elle ne cessa plus d’être accablée par un nombre écrasant de devoirs et de soucis. Seule une géante aurait pu se libérer et elle était loin d’être une géante, juste une femme surmenée, à l’intelligence moyenne, condamnée à vivre dans un monde hostile aux femmes, un monde qui lui parut toujours étranger et inquiétant.


Une robinsonnade

Le mur invisible film de Julian Roman Pölsler.(2012)

Dans Le mur invisible, Marlen Haushofer imagine qu’une femme, seule survivante de l’apocalypse, se retrouve protégée par un mur invisible du reste du monde pétrifié. Elle va organiser sa survie et celle des animaux qui sont sous sa garde.

La survivante qui est aussi, forcément, la narratrice, doit faire face aux difficultés d’une vie primitive, elle doit se battre contre la Nature qu’elle connaît mal, elle, une citadine, et s’en faire une alliée. Elle lutte pour survivre contre la famine, le froid, la maladie. Mais le pire c’est la solitude et la crainte de la folie qui la guette dans ce tête à tête avec elle-même.  Elle assume ce combat, refuse de s’abandonner et crée des liens solides et fidèles avec des animaux, un chien, une chatte, une vache … dont elle se sent responsable et qui l’obligent à continuer une vie qui, sinon, pourrait paraître vide de sens. Elle s’aperçoit aussi que la nature n’a pas besoin de l’homme pour exister et c’est pour elle une leçon de modestie.

Un jour, je ne serai plus là et plus personne ne fauchera le pré, alors le sous-bois gagnera du terrain puis la forêt s'avancera jusqu'au mur en reconquérant le sol que l'homme lui avait volé.

Le roman rejoint ainsi le genre littéraire de la Robinsonnade initié par le Robinson Crusoé de Daniel Defoe, récits d’aventures qui peignent la vie en pleine nature loin de la civilisation et qui portent une vision philosophique et critique du monde : Le Robinson suisse de Johann David Wyss, Sa majesté des mouches de William Golding, et mes deux préférés : Vendredi ou Les limbes du pacifique de Michel Tournier, Suzanne et le pacifique de Giraudoux (si vous ne les avez pas lus, un régal ! ). Et l’on pense aussi au roman de nature writing comme celui de Peter Fromm, Indian Creek, pour ne citer que celui-ci.

Dans La forêt de J. Hegland est à la fois post-apocalyptique et robinsonnade comme Le mur invisible.

Le pessimisme

Le mur invisible film de Julian Roman Pölsler.(2012)

L’originalité du roman de Marlen Haushofer vient de la vision féministe de la narratrice et de son ressenti par rapport à l’homme, le mâle, qui est, pour elle, la représentation du Mal, de la violence, de la haine, pessimisme hérité du traumatisme de la guerre et des horreurs commises par les nazis mais aussi cause de l’asservissement de la femme. Vous verrez ce qui se passe quand le seul homme survivant viendra briser sa solitude. Je vous laisse le découvrir.

Enfin, il faut dire qu’au-delà de son appartenance à des genres littéraires, le roman de Marlen Haushofer est une interrogation sur la solitude, la folie et la mort,  le rapport au temps, celui entre les individus, les hommes et les femmes, et les liens qui nous rattachent à la nature, au monde animal et végétal. Un roman passionnant que l’on peut lire au premier degré comme un livre d’aventures mais qui présente aussi une dimension philosophique résonnant comme un avertissement face à l’escalade de la violence et  à l’indifférence de l’homme vis à vis de la nature.


 

jeudi 15 mars 2018

Rainer Maria Rilke : Vergers, le printemps des poètes 2018



Le Printemps des poètes se déroule du 3 au 19 mars 2018 sur le thème l'Ardeur.


Paula Modersohn-Becker,
 
Pour fêter ce printemps des poètes et continuer le challenge consacré à la littérature de l'Europe de l'Est, j'ai choisi le poète tchèque de langue allemande Rainer Maria Rilke. 


Rilke ? Tchèque ou autrichien ?

Rainer Maria Rilke ou René Karl Wilhelm Johann Josef Maria Rilke, est né le 4 décembre 1875 à Prague. Le pays était alors sous domination de l’Autriche-Hongrie. Il a fait ses études jusqu'en 1895 à Prague où il commence des études d'art, puis il part étudier à Munich en 1896. Il est mort le 30 décembre 1926 à Montreux, en Suisse. 



Van Gogh

Le recueil Vergers a été écrit en français par Rainer Maria Rilke pendant son séjour dans le Valais en Suisse.
Le premier poème du recueil dit pourquoi le poète a choisi la langue française. La beauté de ce mot, verger, ainsi célébré, le lyrisme du texte exaltent le bonheur intense du poète.

Verger

Peut-être que si j’ai osé t’écrire,

langue prêtée, c’était pour employer

ce nom rustique dont l’unique empire

me tourmentait depuis toujours : Verger.
 
Pauvre poète qui doit élire

pour dire tout ce que ce nom comprend,

un à peu près trop vague qui chavire,
 
ou pire : la clôture qui défend.

Verger : ô privilège d’une lyre

de pouvoir te nommer simplement ;

nom sans pareil qui les abeilles attire,

nom qui respire et attend…

Nom clair qui cache le printemps antique,

tout aussi plein que transparent,

et qui dans ses syllabes symétriques

redouble tout et devient abondant.
Van Gogh :  vergers avec abricotiers en fleurs

Sur le soupir de l'amie 

Sur le soupir de l’amie

toute la nuit se soulève,

une caresse brève

parcourt le ciel ébloui.

C’est comme si dans l’univers

une force élémentaire

redevenait la mère

de tout amour qui se perd. 



Gerard Dottori : la naissance de la lumière

 Portrait intérieur
 
Ce ne sont pas des souvenirs
 
qui, en moi, t’entretiennent;

tu n’es pas non plus mienne

par la force d’un beau désir.

Ce qui te rend présente,

c’est le détour ardent

qu’une tendresse lente

décrit dans mon propre sang.

Je suis sans besoin

de te voir apparaître;

il m’a suffi de naître

pour te perdre un peu moins. 

Kupka, peintre tchèque :  Le rêve

L’âme-oiseau

Souvent au-devant de nous

l’âme-oiseau s’élance;

c’est un ciel plus doux

qui déjà la balance,

pendant que nous marchons

sous des nuées épaisses.

Tout en peinant, profitons

de son ardente adresse. 



Marc Chagall

Ce qu'il nous faut consentir
C’est qu’il nous faut consentir

à toutes les forces extrêmes;

l’audace est notre problème

malgré le grand repentir.

Et puis, il arrive souvent

que ce qu’on affronte, change:

le calme devient ouragan,

l’abîme le moule d’un ange.

Ne craignons pas le détour.
Il faut que les Orgues grondent,

pour que la musique abonde

de toutes les notes de l’amour.

Gerardo Dottori : explosion


Participation au mois de l'Europe de l'Est
d'Eva, Patrice et Goran



lundi 31 juillet 2017

Quand souffle le vent du nord de Daniel Glattauer mise en scène Judith Wille Festival OFF d'Avignon


"Une faute de frappe... Et les e-mails d’Emmi atterrissent chez un parfait inconnu, Léo. De ce quiproquo, un dialogue s'engage. Tour à tour drôles, sensibles et piquants, ils se dévoilent avec humour et malice. Au fil des mots, sans se voir, ils s'attirent. Finiront-ils par se rencontrer ?
Après son succès à Paris et au Festival d'Avignon, la comédie contemporaine adaptée du best-seller de l’écrivain autrichien Daniel Glattauer revient pour notre plus grand plaisir !"


La pièce Quand souffle le vent du nord s’annonce agréable : Charmants comédiens, pétillants et pleins d’humour, dialogue vif, malicieux où chaque partenaire fait preuve à la fois d'une drôlerie et d’un esprit acéré. Décor modulable et ingénieux qui devient, en un tour de main,  bureau, lit, table de café, canapé…  Oui, tout partait bien ! Et puis… Pourquoi faut-il que ce qui aurait pu être une comédie légère, certes, bulle de savon, peut-être, mais agréable divertissement, prenne peu à peu le ton du mélo, avec vieux mari malade, enfants impotents ? J e n'ai pas lu le roman mais au théâtre je vous assure que cela ne passe pas. Du coup, l’on ne peut plus croire à cette histoire d’amour par correspondance qui vire au tragique et le tout devient un peu prétentieux. L’humour n’est plus là et l’on s’ennuie en trouvant la fin longuette.
Bon, les comédiens, eux, n’y sont pour rien. Ils étaient très bons dans la fantaisie et je me suis bien amusée en leur compagnie dans la première partie de la pièce.

Condition des soies
Quand souffle le vent du nord
À 19h00
Durée : 1h15
 du 7 au 30 juillet    
 Matriochka productions
 Interprète(s) : Caroline Rochefort, Stéphane Duclot
 Metteur en scène : Judith Wille

lundi 25 mai 2015

Leo Perutz : Le cavalier suédois





J'a lu Le cavalier suédois de Leo Perutz dans le cadre de mon voyage à Stockholm au mois de Juin. Bien qu'il ne soit pas d'un écrivain suédois, qu'il ne se passe pas en Suède, il s'agit pourtant d'un moment de l'histoire de ce pays! 
Le cavalier suédois est une oeuvre assez inclassable.

Roman d’aventures : 

Le héros du roman n'a pas d'identité puisqu'il va prendre celle d'un autre. C'est pourquoi il est appelé Le Voleur sans autre précision. Intrépide, entreprenant et intelligent, il rencontre dans la campagne enneigée et glaciale, entre Prusse et Pologne, le jeune noble Christian Von Tornefeld. Déserteur, Christian fuit l’armée étrangère dans laquelle il servait pour rejoindre, en Pologne, l’armée suédoise et son roi Charles XII de Suède; le souverain est en guerre pour étendre son empire jusqu'à la mer Noire. Bien que le père de Christian soit parti de Suède après avoir été spolié de ses biens par Charles XI, Christian continue à se sentir « l’âme suédoise »! Le jeune noble, poursuivi par les dragons se cache dans un moulin où demeure un mystérieux meunier qui s’est pourtant donné la mort quelques années auparavant! Christian persuade son compagnon de se rendre à sa place chez son oncle qui est aussi son parrain pour lui obtenir du secours. Mais lorsque Le Voleur pénètre dans la propriété mal entretenue et ruinée il apprend que l’oncle est mort, laissant seule sa fille Marie Agneta aux mains d’usuriers et de domestiques peu délicats. La jeune fille se dit fiancée à Christian et fidèle à son souvenir. Pour Le Voleur le coup de foudre est immédiat; c'est décidé, il prendra la place de Christian  et deviendra Le cavalier suédois, conquerra la fortune dans le but d’épouser la jeune fille mais…. Je vous laisse découvrir ce qui lui arrive!

Roman picaresque et conte traditionnel

Le cavalier suédois rappelle aussi par certains aspects le roman picaresque avec son personnage principal, le voleur, surnommé aussi Pièges-à-Poules, et sa bande de brigands, tous très typés, affublés d’oripeaux et de surnoms, dont chacun possède, comme dans les contes de Grimm, (Quatre frères habiles ou Les six compagnons qui viennent à bout de tout), des qualités particulières qui permettent en les unissant d’être victorieux. Ils écument la région pour piller les objets liturgiques dans les églises. Mélange de picaresque et de conte traditionnel, le roman offre donc des surprises, des revirements, sous une forme originale et enlevée. Dès le départ on se laisse emporter avec délice dans l'aventure!

Roman fantastique

  C’est aussi un roman qui fait la part large à l’étrange et au fantastique et l’on ne sait jamais trop si les personnages sont réels ou bien s’ils sont sortis de l’enfer, fantômes ou diables, et si les incantations et les formules magiques ont une efficacité réelle ou au contraire imaginaire et fortuite! Mais tout est possible dans l'univers de Leo Perutz que Jorge Luiz Borges -qui l'admirait- considérait comme un "Kafka aventureux"*!

 Roman parabole

 Le cavalier suédois contient une parabole, un enseignement que notre héros finira par comprendre. Lorsque le voleur comparaît en rêve? ou en réalité? devant le Juge Suprême, ce qui lui sera reproché ce n’est pas d’avoir volé pour manger car les pauvres sont des victimes, ni d’avoir dérobé les objets du culte car l’argent et l’or ne concernent pas Dieu mais d’avoir trahi son ami. Et le châtiment qui paraît si léger au début va se révéler terrible à la fin, le roman se refermant sur lui-même, le dénouement répondant au prologue, avec une maîtrise parfaite. Leo Perutz boucle la boucle avec une imagination qui émeut et donne le frisson. Car la mort est toujours présente dans l'oeuvre et le roman d'aventure n'est jamais très loin de l'interrogation philosophique sur la liberté humaine. Peut-on échapper à sa classe sociale? Peut-on échapper à son destin?

Roman historique

Charles XII roi de Suède
Le cavalier suédois est un bonheur de lecture. Si vous y ajoutez que c’est aussi un roman historique qui m’a demandé de revoir l’histoire de la Suède et qu'il dépeint la vie au XVIII siècle, la misère, le  quotidien des paysans, la toute puissance des nantis, les conditions d’exploitation inhumaine des ouvriers par un homme d'église, vous comprendrez que cette oeuvre de Leo Perutz est vraiment passionnante.

Leo Parutz

Leo Parutz (1882_1957) écrivain autrichien de langue allemande
Leo Parutz (1882_1957)
Né en 1882, cet écrivain Juif autrichien de langue allemande aux lointaines origines espagnoles, mathématicien de formation, est resté longtemps dans l'ombre des bibliothèques. Pourtant, il avait fait partie des auteurs les plus lus de l'entre-deux-guerres. Originaire de Prague, il vit et travaille essentiellement à Vienne. Mais l'Anschluss et l'interdiction de ses ouvrages décident de son destin : il s'exile en Palestine en 1938 et l'après-guerre est pour lui synonyme d'oubli et de désintérêt. Décédé en 1957 en Autriche, il a été tiré des oubliettes d'une part grâce à Borges, qui cautionne l'auteur en préfaçant trois de ses livres déjà pendant la Seconde Guerre mondiale, d'autre part en France où le Prix nocturne lui est attribué à titre posthume en 1962 et où son oeuvre a été largement traduite et rééditée depuis une quinzaine d'années. source *voir l'article de Anna Kubiska Radio Prague

vendredi 25 janvier 2013

Alissa Walser : Au commencement la nuit était musique




C'est d'une histoire vraie qui a eu lieu à Vienne en 1777 que s'empare Alissa Walser pour raconter l'histoire du docteur Mesmer et de sa patiente Maria Théresa Paradis, fille d'un fonctionnaire important à la cour de l'impératrice. Cette jeune virtuose qui se produit en concert est atteinte de cécité à la suite d'un choc nerveux.  Tout ceci pourrait paraître bien banal si le docteur Mesmer n'était pas un magnétiseur qui soigne d'après des méthodes apparaissant comme bien étranges en ce temps-là! Magnétiseur, oui, mais pas charlatan ou vendeur d'illusion. C'est un médecin et un homme de sciences intègre qui cherche à faire reconnaître les découvertes qu'il a faites intuitivement puis par expérimentation et qui s'insurge quand on parle de miracle ou de sorcellerie.

La recherche scientifique et médicale

Parmi les centres d'intérêt du roman, il y a, bien sur, ce domaine médical étrange qui concerne le magnétisme, ce fluide mystérieux parce qu'inexpliqué que nous possédons tous, paraît-il, capable de rétablir la santé si l'on parvient à le maîtriser. Le docteur Mesmer a beau partir à Paris pour échapper à l'obscurantisme et la médiocrité de sa ville, Vienne, il rencontrera partout l'incrédulité. A l'époque des grandes découvertes de Freud qui lui aussi fait scandale, Mesmer n'a pas trouvé le siècle né pour le comprendre. D'ailleurs, même de nos jours le magnétisme rencontre encore bien des détracteurs et demeure une science suspecte.

Une critique sociale : La liberté, le non-conformisme

En  fait la pianiste comme le médecin, tous deux unis par le même amour de la musique sont des êtres trop en avance sur leur temps. Maria Paradis est une jeune fille qui cherche à obtenir sa liberté, elle ne respecte pas les conventions. Tout se passe alors comme si le monde autour d'elle niait sa guérison, refusant de croire qu'elle a recouvré la vue, car on la préfère aveugle que non-conformiste et amorale. Il en est de même du médecin. Le roman offre une analyse sans concession d'une société corsetée, étroite et rigide et cet aspect du roman m'a intéressée.

Une réflexion philosophique :

C'est dans la nuit de la cécité que Maria Theresa Paradis rencontre la musique qui est son élément, sa raison de vivre. Elle a appris à jouer sans voir les touches de son piano et en apprenant par coeur les oeuvres faute de pouvoir lire les partitions. Paradoxalement, c'est en retrouvant la vue qu'elle perd la musique et sa virtuosité. On pense aux recherches de Diderot  dans Lettres sur un aveugle à l'usage de ceux qui y voient  qui  lie la connaissance au sens niant ainsi l'intervention divine dans l'acquisition des idées. Ce roman  nous donne donc à réfléchir aux problèmes philosophiques liés à notre perception du monde par les sens. Ne sommes-nous pas abusés par eux.? C'est ce que dit le père de Maria dans une conversation avec sa fille. La vue ne permet peut-être pas de voir la réalité et nous donne une idée fausse du monde qui nous entoure :

C'est qu'il fallait parfois saisir les choses pour y croire. La vue à elle seule n'y suffisait pas. Il fallait saisir d'abord. Au moins un petit bout d'un grand tout.
Crois-tu demanda Maria que ce que l'on ne peut pas saisir est faux?
Non, il voulait simplement dire que l'oeil était parfois obtus et stupide et en saisissait rien.

et Mesmer affirme
Les yeux ne sont en rien plus proches de la vérité que les autres sens; Tout n'est que mirage et illusion

Ce livre est original et offre une écriture recherchée. Les thèmes développés m'ont interpellée. Mais il est vrai que je n'ai pu entrer totalement dans le roman. Les personnages sont vus de l'extérieur et le narrateur se contente de décrire ce qu'il voit comme un témoin impartial. Du coup les personnages ne sont jamais vus de l'intérieur, nous ne pénétrons pas dans leur conscience. Ceci est à la fois une force car ce parti-pris conserve un certain mystère aux personnages mais c'est aussi une faiblesse car nous ne pouvons pas totalement adhérer à leur histoire. Le récit reste froid et l'écriture jouant sur les dialogues, passant du  style direct,  indirect à l'indirect libre renforce cette distanciation voulue entre le lecteur et le personnage, ce qui donne l'impression d'assister de loin à la scène, en spectateur..

Voir  le billet d'Ys ICI




lundi 3 octobre 2011

Stefan Zweig : Voyage dans le passé

 


Le Voyage dans le passé de Stefan Zweig est le récit d'un amour passionné, menacé par des circonstances extérieures tragiques.
Louis est un jeune homme pauvre et ambitieux. Il a dû subir l'humiliation de servir dans des maisons bourgeoises pour payer ses études. Il est maintenant chimiste et entre dans un grand laboratoire. Le directeur, monsieur le Conseiller, remarque  très vite sa compétence, son intelligence brillante et son ardeur au travail. C'est pourquoi lorsque le vieillard est malade, il demande au jeune homme de venir habiter chez lui et le prend comme assistant. C'est avec réticence que Louis accède à la demande de son patron mais dès qu'il est présentée à la maîtresse de maison il tombe éperduement amoureux d'elle et réciproquement. Cependant le Conseiller l'envoie en mission au Mexique. Un exil de deux ans, une éternité aux yeux des amoureux. Mais la guerre de 1914-1918 éclate et cette séparation va durer neuf ans. Lorsque tous deux parviendront à se revoir, que restera-il de leur amour?
L'histoire nous paraît bien connue et somme toute banale puisqu'elle est le sujet de la plupart des romans du XIXème siècle français : Balzac, Flaubert, Stendhal, Constant... avec toutes les variantes possibles et qui peut se résumer ainsi :  Un jeune homme pauvre est amoureux d'une femme mariée, un peu plus âgée que lui, amour impossible et contrarié.
Et Louis, effectivement, est dans la situation de Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir lorsqu'il arrive dans la maison de son maître, tendu, sur la défensive, s'attendant à être traité en domestique et qu'il rencontre Madame de Rénal. La comparaison s'arrête là car si Madame de Rénal tombe immédiatement amoureuse de Julien, lui par contre décide de la séduire par ambition. Louis n'a pas ce cynisme et son amour pour l'héroïne de Zweig est subit, ardent , "fanatique" et partagé.
Ceci dit je n'ai pas été intéressée par cette histoire. Si l'on veut se passionner pour ce genre de récit mieux vaut lire le magistral, riche et incontournable chef d'oeuvre de Sthendal : Le Rouge et le Noir auquel j'ai comparé l'intrigue.
Non, l'intérêt de ce voyage dans le passé réside ailleurs et surtout dans le style de Stefan Zweig.
Très rapide, ce roman, presque une nouvelle, s'attache surtout à l'observation du sentiment amoureux, de son évolution, de son dépérissement, analyse où Stefan Zweil excelle. Le récit est encadré par deux évènements majeurs, la guerre de 14-18 qui sépare les deux personnages et le défilé de Heidelberg qui peint la montée du nazisme. La description de cette marche militaire pleine de de haine et de bruit qui rythme la recherche de leur amour est un éblouissement stylistique. Le poème de Verlaine avec la métaphore des ombres solitaires et glacées du Colloque sentimental montre avec une nostalgie poignante que l'on ne peut faire revivre le passé.

dimanche 28 juin 2009

Littérature et Ecosse : Marie Stuart de Stefan Zweig (2)




Lors de mon séjour à Edimbourg, j'ai visité la maison de John Knox, un des fondateurs les plus zélés de l'église protestante en Ecosse. Il  dépasse, dit de lui Stefan Zweig, en intransigeance et intolérance son maître Calvin et donne à la Kirk d'Edimbourg une volonté de fer...



Voici le portrait que Stefan Zweig dresse de lui : John Knox est peut-être le type le plus accompli du fanatique religieux que l'histoire connaisse, plus dur que Luther, dont une gaîté intérieure venait du moins de temps en temps animer l'esprit, plus austère que Savonarole, dont il n'a pas l'envolée éclatante et illuminée du mystique.(...)
Tous les dimanches, avec sa barbe de fleuve, tel Jéhovah, il occupe la chaire de Saint Gilles et vomit sa haine et ses malédictions sur ceux qui ne sont pas de son avis. (...) 
De sa chaire, Knox entonne des chants de triomphe lorsque le jeune François II, l'époux de Marie Stuart, meurt d'un abcès purulent à l'oreille, "cette oreille qui se refusa à entendre la voix de Dieu." (...)
Selon ses propres paroles, il "eût préféré voir débarquer dix mille ennemis en Ecosse que de savoir qu'on y disait une seule messe".
Quand Marie Stuart arrive en Ecosse, elle reconnaît à ses sujets une entière liberté de conscience, mais, sous la pression de John Knox, elle est obligée d'accepter la loi interdisant la messe en Ecosse. Elle se réserve, cependant, le droit de la suivre dans la chapelle privée du château de Holyrood mais le peuple excité par le prédicateur vient troubler cette célébration.
La Reine  furieuse, convoque John Knox qui sort triomphant de ce duel entre la souveraine et lui : 

"Les princes et les rois doivent obéir à Dieu, déclare-t-il. Les rois doivent être les pères nourriciers de l'Eglise et les reines ses nourrices."
- Mais votre Eglise n'est pas celle que je veux nourrir, réplique la reine.
Knox devient impoli et grossier et traite l'Eglise romaine de prostituée indigne d'être la fiancée de Dieu (...) : La croyance exige la vraie connaissance et je crains que vous n'ayez point la vraie connaissance".

Il sera désormais le plus implacable adversaire de Marie Stuart.

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Maison de John Knox : intérieur
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maison de John Knox : intérieur

samedi 27 juin 2009

Littérature et Ecosse : Marie Stuart de Stefan Zweig (1)


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Marie Stuart vers 1558 par Clouet
En s'attaquant à la biographie de Marie Stuart, Stefan Zweig annonce clairement la couleur : il ne prendra pas partie! Il constate, en effet, que selon qu'ils soient protestants ou catholiques, les historiens ont fait de la Reine d'Ecosse une criminelle ou une victime et de même pour sa rivale, la Reine d'Angleterre, Elizabeth. Il souligne, cependant, la difficulté de démêler le vrai du faux dans la masse de documents, lettres, actes, rapports, procès-verbaux qui concernent le règne de ces deux souveraines à la destinée si étroitement liée. Il décide donc de s'en tenir aux documents dont l'authenticité ne fait pas de doute et dans le cas ou deux affirmations seraient opposées de confronter les textes en vérifiant les sources et les raisons politiques de chacun d'eux. Enfin quand il y a obscurité et que le doute est permis de s'appuyer sur la psychologie du personnage - car le caractère de Marie Stuart est bien connu- pour trouver la réponse la plus plausible.
Et c'est peut-être dans cette analyse psychologique que réside l'un des plus grands intérêts de la biographie de Marie Stuart par Stefan Zweig car l'historien consciencieux et documenté se double aussi de l'écrivain expert qui sait avec subtilité et finesse dénuder les mystères de l'âme humaine et découvrir les ressorts secrets sous les mobiles apparents des actions des personnages.

Elizabeth Ier d'Angleterre

image017.1246206268.jpgAinsi la guerre des deux reines ennemies, Elizabeth et Marie, donne lieu à une analyse savoureuse du courrier hypocrite que s'écrivaient les deux rivales. Protestations d'amitié, serments de fidélité suivis de coups bas, de propos vipérins qui pourraient apparaître comme des scènes de comédie si cet échange n'était mu par une haine implacable et ne s'achevait par une tragédie sanglante : la mise à mort de Marie.
Stéfan Zweig fait presque oeuvre de dramaturge en mettant en scène ce personnage de plein de panache et d'audace qui, pense-t-il, a pu inspirer Shakespeare pour son Hamlet et son Macbeth.
Mais au-delà de la psychologie individuelle, c'est tout un tableau de l'époque et en particulier de l'Ecosse, que brosse Stefan Zweig : Un pays déchiré par ses luttes intestines, où les lords tout-puissants contestent le pouvoir des Stuart et sont toujours prêt à la rebellion, un pays pauvre dont la seule richesse, même celle du souverain, consiste en têtes de bétail que chaque clan essaie de s'approprier en se faisant la guerre, un pays qui a besoin du soutien étranger pour survivreet qui est  menacé dans ses frontières par la puissante voisine, l'Angleterre. Enfin, et ce n'est pas le moindre, un pays déchiré par les luttes religieuses, gagné au protestantisme sur lequel les lords s'appuient pour s'opposer à la dynastie très catholique des Stuart, avec un peuple soumis à l'influence grandissante du prédicateur J. Knox, le plus grand ennemi de Marie Stuart.
Ainsi Stefan Zweig montre comment derrière les deux souveraines se révèlent deux mondes opposés, l'un finissant, celui de Marie Suart, héritier du Moyen-âge, chevaleresque, mais désuet, tourné vers le passé, condamné à sa perte, l'autre, celui d'Elizabeth, progressiste, allant de l'avant, décidé à s'enrichir, en pleine évolution et qui va triompher..
 La vie d'Elizabeth personnifie l'énergie d'une nation qui veut conquérir sa place dans l'univers; la fin de Marie Stuart, c'est la mort héroïque et sublime d'une époque. Mais dans ce combat chacune d'elle réalise parfaitement son idéal : Elizabeth, la réaliste vainc dans le domaine de l'Histoire, Marie Stuart, la romantique, dans celui de la poésie et de la légende.
Une biographie passionnante où l'écrivain cherche avec une grande sincérité à faire sortir Marie Stuart de la Légende pour nous montrer la femme face à l'Histoire même si l'on sent bien pourtant où va sa sympathie.

Marie Stuart enfant. 
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Fille de Marie de Guise ou de Lorraine et de Jacques V d'Écosse, Marie Stuart fut reine d'Écosse à la mort de son père en 1542, sept jours après sa naissance, et reine de France en 1559 à dix-sept ans. Arrivée à la cour des Valois à l'âge de cinq ans, fiancée au dauphin François, elle fut élevée en France dans une cour qui cultivait les arts et les lettres et l'esprit de la Renaissance. Ce fut les moments les plus heureux de sa vie. Entourée des ses amies, les quatre Marie,  admirée par tous, célébrée par les poètes comme Ronsard ou du Bellay, Marie étudia le latin, l'italien, la musique, s'exerça à la poésie.








La Reine blanche    A la mort de François II, Marie Stuart porte le deuil des reines, en blanc
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Après la mort de son époux, elle regagna l'Écosse gagnée par le puritanisme, déchirée par les luttes de pouvoir où le contraste avec la cour française fut brutal. Son catholicisme et son autoritarisme, les révoltes des protestants et des nobles, son mariage avec l'assassin de son mari, provoquèrent son abdication en faveur de son fils Jacques VI en 1567. Elle se réfugia alors en Angleterre pour demander protection à Elizabeth qui la maintint prisonnière pendant dix-huit ans dans des châteaux où Marie Stuart avait la possibilité d'avoir sa propre cour avec ses domestiques et ses fidèles mais ne pouvait sortir du pays. Elle ne cessa dès lors d'encourager des complots dans le but de  se libérer et de monter sur le trône d'Angleterre. Élisabeth la fit exécuter.





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Le mariage de François II et Marie Stuart, reine de France et d'Ecosse(1559)


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Henri Stuart, Lord Denley, fils du comte de Lennox, cousin de Marie, fut son second mari. Elle le fait assassiner par son amant Bothwell qu'elle épousa peu après.










Bothwell, l'assassin de Lord Denley, devint  son troisième mari


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Bothwell, l'assassin de Lord Denley, devint  son troisième mari