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dimanche 3 mars 2024

Pete Fromm : Le lac de nulle part

 

Trig et Al, des jumeaux, garçon et fille, sont invités par leur père pour une "aventure " en canoë sur les lacs canadiens. Qu'est-ce qui les pousse à accepter cette invitation alors qu'ils n'ont plus vu leur père depuis des années ? C'est d'autant plus étonnant qu'ils le savent bien, on ne part pas dans ces régions au mois de Novembre, quand le froid s'abat sur le pays et que les lacs commencent à geler ? De plus les relations entre le père et la fille Al sont plutôt tendues !  Le désir, peut-être, maintenant qu'ils sont adultes et qu'ils ont chacun une vie séparée, de retrouver leur enfance, quand, avec leurs parents qui n'étaient pas pas encore divorcés, ils partaient camper à la dure, se nourrissant de leur pêche.  

De lac en lac, de portage en portage, de  bivouac en bivouac, les voilà qui s'enfoncent  toujours  plus loin dans cette nature sauvage que la civilisation n'a pas encore atteinte jusqu'au lac qui n'a pas de nom, le lac de Nulle Part.  Mais alors qu'ils s'aperçoivent que leur père n'a plus toute sa tête et qu'il les a perdus dans des contrées inconnues, la neige fait son apparition et le gel se referme sur leurs traces. Ce voyage au coeur des paysages canadiens se révèle aussi un voyage intérieur au pays de leur enfance, révélant les blessures profondes, les colères, les non-dits familiaux, mais aussi l'amour et la complicité encore intactes des jumeaux, deux contre tout !

Le récit de cette aventure, surtout au moment où s'amorce le retour problématique vers la civilisation, m'a tenue en  haleine car  Pete Fromm est un bon narrateur qui sait ménager ses effets. Les  dangers encourus par les personnages relancent savamment l'intérêt du roman. Pourtant, cette lecture ne pas pas entièrement convaincue. J'ai pensé mais en moins terrible, moins puissant, moins grandiose, au récit de Jack London L'amour de la vie (Ici)  dans lequel l'homme perdu dans le grand silence blanc lutte pour revenir à la civilisation dans un combat surhumain contre les pièges que lui tend la nature. Et ce livre n'est pas, non plus, au niveau d'un autre livre de Pete Fromm, Indiana Creek ! (voir   Ici) . Tout paraît édulcoré ! 

 C'est l'un des jumeaux, Trig, (Trigonométrie, leur père est mathématicien) qui raconte l'histoire à la première personne, ce qui explique que sa soeur, Al (Algèbre), et son père lui paraissent parfois incompréhensibles ! Mais, même lorsque l'on comprend mieux les personnages, on ne parvient jamais vraiment à être en empathie avec eux, peut-être parce que l'analyse n'est pas approfondie et que l'on ne peut croire aux retrouvailles de Al et de son père. On reste en surface. On est loin de la finesse psychologique de Avant la nuit (Ici) .

Bref la lecture du roman est agréable mais je n'ai pas retrouvé les émotions provoquées par les oeuvres de Pete Fromm que je cite ci-dessus et qui restent mes préférées.


Voir Aifelle ICI

 Une comète ICI

Violette ICI

lundi 2 octobre 2023

Pekka Juntti : Chien sauvage



 

Dans Chien sauvage de l'écrivain finlandais Pekka Juntti, paru aux éditions Gallmeister, le personnage principal,  Samuel Somerniva -dit Samu- semble avoir un destin tout tracé, du moins aux yeux de son père. Son fils sera mineur : « C’est la place des hommes de notre famille, nous y appartenons ». Oui, mais Samu, avec la complicité silencieuse de sa mère, veut échapper à ce déterminisme. Il part dans le Nord, en Laponie, travailler chez Sanna et Matti dans un élevage de chiens de traîneaux. Le travail est rude, de longues journées sans repos, du matin jusqu’au soir. Il s’agit de nourrir les Huskys, de nettoyer les cages, de recevoir les groupes de touristes, de préparer les repas. Rien d’exaltant, mais avec la récompense, parfois, de courses de traîneau fabuleuses avec Matti pour apprendre le métier. Samu tient le coup car son rêve est de devenir musher, conducteur de traîneaux, parmi les plus grands, ceux qui accomplissent des exploits avec leur attelage sur des milliers de kilomètres.

 Mais de la réalité au rêve, il y a loin. Les chiens de traîneaux coûtent cher, certains valent même des fortunes. Aussi lorsque les deux chiens d’un célèbre musher disparaissent, Nanok et Inuk, Samu se lance à leur poursuite. Si Inuk est retrouvé facilement, Nanok, lui, a repris goût à la liberté et est redevenu sauvage. Cependant, le propriétaire du chien promet au jeune homme que Nanok sera à lui s’il parvient à le capturer. Samu va partir de plus en plus loin dans le Nord, parmi les populations minoritaires qui semblent oubliées de tous sauf quand il s’agit de détruire leurs réserves naturelles et d'exploiter leur bois! Si les Samis l’aident au début, ils vont bientôt devenir hostiles, surtout les éleveurs de rennes, car le chien fait des ravages dans leurs troupeaux. L’entêtement de Samuel à  chercher l’animal et à le protéger suscite la colère des éleveurs, son ignorance des coutumes de la population vont le mettre en danger.
 

Le roman est construit sur deux périodes : Il commence en 2008 et se déroule jusqu’en 2009 pour l’histoire de Samu et est daté de 1942  jusqu’en 1949 pour celle d’Aila et de sa famille qui vivent près de la rivière Tengelio. Les deux récits se rejoindront en 2009 quand Samu, arrivant dans la région tombe amoureux d’Avaa. Mais il y a encore une autre partie insérée entre ces deux périodes, sous la forme de pages numérotées indiquant le nombre de jours que Samuel passe dans une cabane, isolé, mourant de peur et de faim sans que le lecteur sache vraiment ce qu’il fait là !  J’avoue que cela m’a un peu déroutée au début avant de comprendre qu’il s’agissait d’un futur par rapport au présent de Samuel et, là aussi, les deux espaces temporels vont finir par coïncider. Une construction un peu complexe.


Paysage finlandais


Chien sauvage
est d’abord un hymne à la nature mais sans idéalisation. On peut facilement y mourir si l’on ne sait pas respecter sa puissance. Ne jamais se croire plus fort qu’elle ! Les paysages sont magnifiques mais les villages miséreux. Quand Samuel part vers le nord à la recherche de ses chiens, il parcourt d’abord des paysages de marais avec des pins rabougris, une forêt peu dense mais qui devient de plus en plus épaisse coupée çà et là de quelques villages.

J’avais l’impression de remonter dans le temps. C’étaient des villages oubliés. Il y avait de la pauvreté , mais aussi beaucoup de vie. (…) Ces villages me faisaient penser aux pins tordus de mont Ousnasvaaara sur lequel j’avais grimpé en route vers le nord. La vie y était fragile mais tenace. Le panneau indiquait Ylitornio.

 
Les Samis croient aux âmes des ancêtres incarnées dans les arbres. L’environnement, la forêt, les rivières et les lacs sont sacrés non seulement pour assurer leur subsistance mais aussi sur le plan spirituel. Aila fait des offrandes au sapin séculaire d’Arviitti qui les protège en retour. La famille a une ferme, cultive un champ, élève des vaches, vit aussi de la chasse et de la pêche.

Quand le père part à la guerre en 1942, il explique à sa fille : 

… il est toujours agréable de rendre visite au sapin d’Arviitti. On y est seul et en même temps bien entouré : quand on raconte ce que l’on a sur le coeur, tout le monde nous écoute. Il y a le vieux Arviitti et Eevertti, Vänni et Liisi  et tous les autres qui sont partis.
Quand tu rends visite à l’arbre observe la rivière. Si tu l’écoutes bien, tu entendras les rapides chanter le chant de la liberté, les pins bouger au vent sur la colline et les saumons faire claquer leurs queues grandes comme des pelles dans les frayères. Il y en a un près de la rive, dans le contre-courant d’un rocher, là où le lac commence. Ma chère Aila, tu as bien constaté que sur la berge de la rivière, le rosier sauvage est encore en fleur. Il ne nous arrivera rien.

 

Pekka Halonen : peintre finlandais

 

Après la guerre, le gouvernement pour reconstruire le pays et relancer l’économie, ouvre de grandes campagnes de coupes forestières qui détruisent la forêt et ravagent des régions entières. Des chantiers pour construire des barrages et des centrales hydrauliques sur la rivière Tengelio voient le jour. Mais ce serait fatal aux saumons qui seraient dans l’impossibilité de remonter le cours d’eau. La colère des hommes s’éveille.

Ils trouvent toujours une bonne raison pour venir ici et tout détruire. Bon Dieu, on a vécu dans le sang et dans la merde à cause de ce satané état finlandais et voilà la récompense !

 Des forestiers, des chefs de chantier, disparaissent mystérieusement. Nul ne peut les retrouver. On dit que la  forêt se venge, qu’elle les a emportés. Et que signifient ces trois roses que certains se voient offrir car les roses poussent aussi sur les bords glacés de la Tengeliö ?  

Chanson de la Tengeliö

Là où scintillent la Tingeliö, 

ses miroirs, ses courants,

Tu peux trouver le bonheur

si tu découvres la fleur.

Pourtant, les jeunes, comme Vaïnö, le frère d’Aila, sont attirés par la grande ville, Helsinki, par l’argent gagné rapidement en s’engageant dans les chantiers bien payés, par le confort d’une maison avec l’électricité. Les femmes lancent des pétitions pour que leurs enfants aillent à l’école.  

« D’après elle, puisque nos forêts et nos eaux leur plaisent tant, ils nous doivent bien ça en contrepartie. »

C’est le monde ancien et moderne qui s’affrontent. Finalement, Le président de la République Urho Kaleva Kekkonen préserve la région  en faisant un parc national d’étude de la nature.

Chien sauvage
n’est pas un de mes coups de coeur, je n'ai peut-être pas été assez accrochée par les personnages qui me semblent parfois froids et un peu démonstratifs. Certains thèmes qui m'intéressaient comme celui de la réalisation du rêve de devenir musher est abandonné. Peut-être que mon attente était trop à la Jack London ou à la Oliver Curwood quand j'ai choisi ce livre !  Mais il présente de belles descriptions de la nature, une connaissance de la vie sauvage et de la vie des peuples du nord.  Le propos écologique est intéressant. J'ai lu ce roman avec plaisir.




 



mercredi 4 mai 2022

Jake Hinkson : Au nom du bien


 

Jake Hinkson est fils d’un prêcheur baptiste et il a été marqué dès son enfance par son éducation religieuse étouffante. Alors quand il parle dans son livre Au nom du bien des formes d’oppression religieuse dans certaines régions des Etats-Unis et, ici, dans un petite ville de l’Arkansas, il sait ce dont il parle. Et cela le rend féroce !

Richard Weatherford est le pasteur de cette ville et il impose son autorité à tous, s’immisçant dans la vie privée des gens, surveillant leur participation au culte ou leur absence, jugeant de leur moralité jusqu’au sein de leur vie de couple, de leur sexualité, réprouvant le divorce, l'homosexualité, interdisant, culpabilisant, guidant de haute main la vie de ses paroissiens, une influence qui s’abat sur la cité, prend une forme pateline, insidieuse et exerce une violence certaine sur les esprits ! Pour l’heure, il intrigue avec ses paroissiens, notables vertueux, pour faire interdire l’alcool et faire fermer les débits de boissons. Considéré par tous comme un saint homme, il est l’exemple qu’il faut suivre pour gagner son paradis !

Son épouse Penny est la parfaite épouse de pasteur, assurant le catéchisme, dirigeant les prières, déjeunant avec les dames de la paroisse. Très attachée à ses prérogatives et à la supériorité que lui donne sa position sociale, elle laisse son mari diriger l’éducation de leurs enfants.

Une vie édifiante dans lequel le pasteur sage et respecté, pourrait couler des jours sereins  mais… Car il y un mais, bien sûr, un caillou qui va enrayer les rouages, et faire grincer la machine bien huilée jusqu’alors. Et ce caillou, s’appelle Gary Doane, jeune homme dépressif et suicidaire. Il a pour petite amie Sarabeth Simmons considérée par tous comme une fille immorale, dépravée. Tous les deux ne supportent plus le manque de liberté, les excès d’une religion fondamentaliste, conservatrice, les jugements des bien-pensants persuadés d'agir au nom du bien.
Que veut Gary Doane à Richard Weatherford ?  Pourquoi le fait-il chanter ? On le saura bien vite car la réponse à cette question n’est pas l’intérêt principal du roman. Non, l’intérêt réside dans la démonstration magistrale de l’écrivain qui scrute le personnage du pasteur avec un intérêt digne d'un entomologiste étudiant un scarabée. Comment va  réagir le pasteur ?  Va-t-il reconnaître la vérité ou, au contraire, essayer de la fuir, de s'en sortir ? Le récit adopte plusieurs points de vue, celui du pasteur, de Penny,  Gary et de Sarabeth mais aussi celui d'un autre protagoniste, Brian Harten. Péripéties haletantes qui nous mènent de surprise en surprise, suspense, retournements de situation au cours desquels s’exerce l’ironie acérée d’un Jake Hinkson qui décrit une société figée, radicale, hypocrite, et nous livre une vision noire et désenchantée d’une Amérique conservatrice et liberticide.

Un très bon roman !

mardi 12 janvier 2021

Tiffany Mc Daniel : Betty


Betty Carpenter est née d’un père Cherokee et d’une mère, blanche. Elle est la sixième d’une fratrie de huit enfants. C’est elle qui ressemble le plus à son père Landon qui l’appelle ma petite indienne. Si elle connaît, dès l’école, les moqueries, le rejet et le mépris des enfants blancs, elle peut les surmonter grâce à la beauté des histoires que lui conte son père, qui est aussi celui qui lui transmet la fierté de son peuple, de ses coutumes et de ses croyances. C’est lui aussi qui l’initie aux mystères des plantes, à leur culture, à leurs vertus, et l’introduit dans le monde magique de la nature verte et luxuriante de l’Ohio.
 Mais pourquoi Alka, sa mère, est-elle en proie à une souffrance et une colère telles qu’elle en devient cruelle et brutale envers ses enfants ? Pourquoi sa soeur Fraya si douce, si maternelle, est-elle si repliée sur elle-même?
C’est ce que nous raconte Betty, la narratrice, qui, depuis l’enfance, trouve un échappatoire dans l’écriture.

Si vous commencez à lire Betty de Tiffany Mc Daniel, sachez que vous ne pourrez plus vous arrêter ! Vous le lirez dans la fièvre, l’angoisse face à la souffrance de ces êtres que vous voyez vivre et parfois mourir devant vos yeux, face la violence qu’ils subissent, racisme, viol, inceste. Vous le lirez dans l’émotion que vous procurent de beaux personnages radieux, aimants, comme le père de Betty, Landon Carpenter, ou sa grande soeur Fraya. Vous serez submergés de tendresse pour les petites frères de Betty, Trustin et Lint. Vous serez pénétrés par la beauté du style, emportés par la force de la nature, par la poésie des histoires issues de la sagesse indienne que Landon Carpenter conte à ses enfants et à Betty, en particulier, lui apprenant à être fière de ses origines.
Et si vous pensez que les thèmes du racisme, des violences faites aux filles sont rebattus et trop durs à affronter pour vous, sachez que vous vous trompez. Betty est un livre qui donne de l’espoir malgré les blessures, c’est un livre d’amour tout autant que de haine, c’est une histoire de sagesse et de pardon malgré la tristesse et la cruauté. C’est aussi un récit transcendé par la parole du père, cet homme au coeur de verre qui fait de la réalité un univers fantastique, la pare de couleurs extraordinaires, et donne  le courage de vivre. Oui,  vous l'avez deviné,  Betty est un coup de coeur !
Alors, lisez l’incipit… magnifique :

Devenir femme, c’est affronter le couteau. C’est apprendre à supporter le tranchant de la lame et des blessures. Apprendre à saigner. Et malgré les cicatrices, faire en sorte de rester belle et d’avoir les genoux assez solides pour passer la serpillière dans la cuisine tous les samedis. Ou bien, on se perd, ou bien on se trouve. Ces vérités peuvent s’affronter à l’infini. Et qu’est-ce que l’infini, sinon un serment confus ? Un cercle brisé. Une portion de ciel fuchsia. Si l’on redescend sur terre, l’infini prend la forme d’une succession de collines ondoyantes. Un coin de campagne dans l’Ohio où tous les serpents dans les hautes herbes de la prairie savent comment les anges perdent leurs ailes.

Vous résistez encore ?

Quand je repense à Fraya, ce qui me vient à l'esprit est l'image floue de mille lumières qui s'agitent et oscillent. Des particules qui resplendissent et scintillent avant de disparaître dans le noir et un bourdonnement dont je me rends compte qu'il n'est autre que le bruit des abeilles.

- Doux comme le miel, disait Fraya.

 Tandis qu'elle grandissait, tous les ans, à la même époque, Papa lui prenait les bras et les levait.

-Tu es ma mesure. C'est toi qui vas mesurer la distance qui sépare tout ce qui pousse dans le jardin et aussi les intervalles entre les piquets de la clôture.

- Pourquoi c'est moi ta mesure ? demandait-elle toujours même si elle savait ce qu'il allait lui répondre.

- Parce que tu es importante, répliquait-il en lui étendant les bras de chaque côté. Tu es mon centimètre, mon décimètre et mon mètre. La distance entre tes deux mains est la distance qui mesure tout ce qu'il y a entre le soleil et la lune.

Encore  un extrait ?

 Non, je m'arrête là, sinon il me faudra recopier tout le livre !

jeudi 5 décembre 2019

Pete Fromm : La vie en chantier




Pete Fromm est un auteur que j’aime et cela date de ma première lecture d’Indiana Creek suivi de Avant la Nuit.

Dans ce roman, La vie en chantier, Pete Fromm explore le thème du deuil et des sentiments paternels. En effet, quand Marnie meurt en accouchant, son mari Taz se retrouve seul avec un bébé, sa maison en chantier et son désespoir. Et ce n’est pas seulement la maison qu’ils avaient achetée ensemble, projet commun qui leur donnait bien des soucis, qui est en chantier mais toute sa vie ! Tout est chamboulé, sens dessus dessous.

Pete Fromm analyse avec beaucoup de vérité et de justesse les sentiments du jeune homme anéanti par le chagrin et ses rapports avec cette petite inconnue, sa fille Midge, ce bébé qui a besoin de lui. Si assumer sa paternité est parfois difficile, elle l’est encore plus quand on éprouve, comme Taz, le manque d’une présence aimée et que toute sa vie semble détruite.

Le roman est donc bien écrit, l’analyse du personnage principal sonne juste, ses relations avec Midge aussi, et pourtant, j’ai éprouvé une certaine déception…Peut-être parce qu’il n’est plus question de nature si ce n’est les quelques passages au cours desquelles les jeunes gens se baignent dans la rivière? Même s’il est légitime pour un auteur de vouloir se renouveler, j’avais envie de retrouver le nature writing propre à la collection Gallmeister. Mais, c’est aussi le côté "attendu" du roman que je n’ai pas aimé, introduit par le personnage de la jeune baby sitter, étudiante, qui va, avec un indéfectible dévouement, s’occuper du bébé et du père et tomber amoureuse des deux. Quelle patience ! Presque trop… non, trop ! Dès le début on sait ce qui va se passer. Ce n’est qu’une question de temps ! Et cela m’a gênée. J’ai trouvé le personnage trop prévisible et, du coup, peu crédible car finalement on sait peu de choses sur elle, sur ce qu’elle éprouve. On sent qu'elle n'intéresse pas l'auteur. De ce fait, elle m’apparaît juste comme un personnage utile pour amener le dénouement ! Et c’est un peu vrai aussi de Rudy, l’ami presque trop parfait !

Dommage ! Le roman a des qualités et Pete Fromm est un bon écrivain mais je n’ai pas adhéré à ce récit.

jeudi 2 novembre 2017

Jean Hegland : Dans la forêt


Je suis vouée aux dystopies en ce moment ou aux romans post-apocalyptique si vous préférez. Quelle que soit leur appellation, c’est une rencontre  dont je ne saurais me plaindre car les livres que j’ai lus sont des réussites : Voir  Les buveurs de lumière de Jenni Fagan et Monde sans oiseaux de Karin Serres

C’est le cas de Dans la Forêt de Jean Hegland paru aux éditions Gallmeister qui, outre une dystopie, est aussi un livre de « nature writing ».

  Eva et Nell, sa soeur aînée, se retrouvent seules dans leur maison isolée, en pleine campagne, à l’orée de la forêt, après la mort de leurs parents et une catastrophe planétaire. La situation est  terrible :  plus d’électricité, plus d’approvisionnement, les gens meurent de faim, des épidémies se propagent, les villes se vident faute d’habitants, la pénurie d’essence empêche les déplacements, plus de téléphone, d’internet, de radios, de télévision; toutes les communications avec l’extérieur sont impossibles.  Les causes de la catastrophe sont assez floues, mais l’on sait que le monde est en guerre. Les deux jeunes filles vont devoir apprendre à survivre, d’abord avec l’illusion que tout va redevenir comme Avant, puis en sachant que la situation n’est pas réversible.

Le récit alterne entre plusieurs moments du passé, de leur enfance un peu marginale, avec des parents qui les font vivre dans la nature, à l’écart de la civilisation à laquelle elles aspirent, en rébellion contre ce genre de vie :  Eva est danseuse, Nell veut entrer à Harvard … au présent où il faut trouver le courage de continuer en abandonnant toute illusion. Le danger est partout, la mort, la famine, la maladie, le découragement, l’envie de suicide, l’ours qui rôde dans la forêt; mais de tous, le plus dangereux, c’est l’Homme. Rescapé de l'ancienne civilisation, il abuse de son pouvoir et symbolise le Mal.
Jean Hegland peint avec beaucoup de lucidité les rapports entre les deux soeurs, les alternances amour-répulsion, la désespérance, la peur. Les jeunes filles sont très dissemblables de caractère, de goût et il ne faut pas oublier qu’elles sont très jeunes et vulnérables : Dix sept, dix huit ans.

Séquoïa géant Yosemite Park source
La partie tournée vers le passé est intéressante mais c’est lorsque les personnages doivent affronter la réalité, après la catastrophe, que la lecture se révèle particulièrement passionnante. La nature devient alors mère nourricière, source de vie  et c’est avec exaltation que Nell et, par la suite Eva, découvre toutes ces richesses qu’elles ne soupçonnaient pas jusqu’alors.
Je reste très sceptique sur le dénouement proposé par l’auteure pour qui la survie ne viendrait que du retour à la vie primitive mais j’ai toujours aimé, depuis Robinson Crusoé, ces « robinsonnades », qui montrent l’humain capable de tirer sa subsistance de la terre, de la forêt, de l’eau et de son intelligence. Un retour à la nature assez exaltant, que proposaient aussi les romans de Giono. Le mythe du bon sauvage à la Rousseau est aussi revisité à travers les lectures de Nell qui découvre le destin de deux femmes amérindiennes chassées par les blancs et qui ont réussi à survivre dans la forêt.

Séquoïa tombé
 L’écrivaine parvient à donner une puissance poétique à cette thèse à travers la description du tronc creux du séquoia géant tombé à terre, véritable caverne des origines où vont se réfugier les personnages comme dans un utérus maternel. C’est évidemment un symbole fort de cet abandon de la civilisation et du retour à l’essentiel.
C’est très beau et j'en aime le symbolisme et la poésie !
Ceci dit dans un monde réel, je ne parie pas deux sous sur la survie de deux femmes et d’un bébé dans une souche d’arbre pendant un hiver entier ! Je comprends très bien la dénonciation de la technologie abrutissante qui nous envahit, nous rend dépendants, nous éloigne de l’essentiel. Pour le reste, la négation du progrès n’a jamais été mon fort ! Celui-ci n’est en lui-même ni bon, ni mauvais, c’est l’usage qu’en font les humains qui le déterminent.  Et Voilà ! retour à la case départ : Rabelais.

Il n'empêche que ce livre est bon, bien écrit, à la fois poétique et addictif  et que j'ai beaucoup aimé sa lecture.

Et je découvre dans Le Monde une critique de Dans la forêt illustrée par une photographie de Aurélia Frey ICI


Voir Aifelle ICI  ; Dominique ICI

lundi 25 septembre 2017

Emily Fridlund : Une histoire des loups


Madeline, adolescente un peu sauvage, observe à travers ses jumelles cette famille qui emménage sur la rive opposée du lac. Un couple et leur enfant dont la vie aisée semble si différente de la sienne. Bientôt, alors que le père travaille au loin, la jeune mère propose à Madeline de s’occuper du garçon, de passer avec lui ses après-midi, puis de partager leurs repas. L’adolescente entre petit à petit dans ce foyer qui la fascine, ne saisissant qu’à moitié ce qui se cache derrière la fragile gaieté de cette mère et la sourde autorité du père. Jusqu’à ce qu'il soit trop tard.(Quatrième de couverture)

Je le dis tout de suite, j’ai eu du mal à entrer dans le livre d' Emily Fridlund  Une histoire des loups. En effet, l’atmosphère  qui règne dans ce coin des Etats-Unis, cette région des Grands Lacs, paradis des pêcheurs, « capitale mondiale du doré jaune » est rien moins que plaisante. Paradoxalement, on  étouffe dans ces grands espaces naturels voués au froid et à la solitude dès novembre quand les lacs sont gelés. Les personnages et les rapports humains y sont pesants.
La structure du roman a compté, aussi, je pense, dans la difficulté que j'ai eue d’adhérer au récit. La composition est complexe avec des retours en arrière dans  l’enfance de Madeline et de la communauté religieuse  dans laquelle elle a vécu. Tous les moments du passé, du présent et du futur se chevauchent, l’école, sa vie d’adulte, ses moments avec les Gardner, ses études, son travail… C’est parfois un peu trop touffu et détourne de l’action mais l’écrivaine mène sur différents fronts toutes ces temporalités avec une grande maîtrise.

J'ai cependant fini par apprécier ce roman grâce à son écriture suggestive, jamais vraiment rationnelle, qui laisse deviner ce qu’il y a derrière les apparences. Tout au long du roman l'on sent en effet que des choses nous échappent comme ils  échappent à la narratrice, Madeline. On a l’impression parfois que les faits sont faussés, qu’il y a une sorte de distorsion entre la réalité et ce que voit ou comprend l’adolescente. Dans l’intrigue principale, les portraits des personnages de la maison du lac, le petit Paul Gardner, sa maman Patra et son père Léo, introduisent une sorte de malaise inexplicable au premier abord. Tout est un peu flou au début et ce n’est que peu à peu que la  mise au point se précise.
De même que se passe-t-il avec le professeur de Madeleine, Mr Grierson, et une élève de la classe, la jolie Lily, intrigue que l’on pourrait qualifier de secondaire, mais qui court en filigrane tout au long des pages ?
Cet art de la suggestion m’a rappelé - un peu- la manière de Laura Kashishke dans  Esprit de l’Hiver.  Mais la comparaison s’arrête là.

L’histoire est intéressante, les thèmes traités sont passionnants, qui mettent en cause la société américaine avec les superstitions, les obscurantismes liés à la religion. L’on peut y ajouter l’inégalité sociale, la pauvreté, la mise à l’écart de ceux qui ne sont pas conformes, la dureté des relations humaines. Et puis il y a, bien sûr,  -c’est un roman paru chez Gallmeister-, la présence de la nature, à la fois belle et rigoureuse, du canotage et de la pêche sur les grands lacs, et le passage des saisons.
Ce roman témoigne d’un réel talent et malgré les restrictions que j’ai évoquées, c’est une oeuvre qui mérite d’être lue. Quant aux loups, je vous laisse les découvrir !







vendredi 27 janvier 2017

Craigh Johnson : Le cheval de discorde



Le cheval de discorde  est une nouvelle de Craig Johnson paru aux éditions Gallmeister.
Il vaut mieux, pour apprécier ce texte court et cette enquête qui n’en est pas vraiment une,  bien connaître les personnages récurrents de Graig Johnson :   le shérif Walt Longmire, sa fille Caddy et son ami Henry. Hélas ce n’est pas le cas pour moi. J’ai même eu du mal à comprendre qui était Henry, L’Ours et Nation Cheyenne!

 L’intrigue est mince. Ici, Walt marie sa fille et l’on parle beaucoup des préparatifs du mariage. Le père et la fille se lancent un défi qui ne manque pas d’humour et qui est la part la plus intéressante  de la nouvelle pour moi. Pendant les American Indian days, on vole un cheval à son propriétaire. C'est le cheval de la Discorde (j'aime bien ce titre ! ). Walt est chargé de le retrouver. Il y réussira facilement.

Je pense que la saveur de la nouvelle tient surtout dans les retrouvailles avec ces personnages qui au fil des romans doivent devenir des amis pour le lecteur. Il m’a donc manqué pour l'apprécier d’avoir lu les romans précédents mais cela m’a donné envie de m’y plonger.  Little Bird est le premier volume qui vu la naissance du personnage de Walt Longmire. Le livre a été couronné par le prix du roman noir Nouvel Obs/Bibliobs et sélectionné par LIRE parmi les meilleurs polars de l'année. Les aventures de Longmire ont été adaptées pour une série télévisée qui  a connu un grand succès. C’est donc par celui-ci que je commencerai.
A noter que la première de couverture est belle comme toujours dans les éditions Gallmeister.

Merci Aifelle.

samedi 3 décembre 2016

Bruce Holbert : L'heure de plomb aux éditions Gallmeister



L’heure de plomb de Bruce Holbert paru aux éditions Gallmeister emprunte son titre au poème d’Emily Dickinson cité en exergue :
 C’est  l’heure plomb-
Dont on se souvient si on y survit,
Comme les gens qui Gèlent se rappellent la Neige-
d’abord-le Froid- puis
l’Engourdissement -puis l’abandon-

L’heure de plomb, c’est celle que vivent les jumeaux, Luke et Matt Lawson perdus dans la neige, un soir de tempête. Nous sommes en 1918 dans l’état de Washington et le blizzard qui s’abat sur le pays pendant cet hiver est si rigoureux qu’il reste gravé à tout jamais dans les mémoires. Matt est sauvé par son institutrice. Luke meurt de froid ainsi que le père des deux garçons parti à leur recherche. Le père enseveli sous la neige n’est pas retrouvé.
Le roman raconte l’histoire du survivant, Matt, marqué à tout jamais par le drame. Il a 14 ans et se voit voler son enfance, obligé de travailler dans le ranch familial pour remplacer son père, rongé par la culpabilité. Il occupe ses temps libres à la recherche du disparu, une idée fixe qui le hante. C’est au cours de ses pérégrinations dans la région qu’il rencontre Wendy, une adolescente qui l’aide dans sa quête. Elle deviendra le grand amour de Matt devenu adulte. Mais rien n’est simple pour lui. Incapable de vivre un vie normale, de dire ses sentiments, il ne peut les exprimer que d’une manière exacerbée et est sujet à des crises de violence qui effraient la jeune fille. Le récit dira si l’on peut guérir d’une telle enfance.
A côté de ces deux jeunes gens gravitent de nombreux personnages que nous suivrons pendant une soixantaine d'années, l’institutrice Linda jefferson veuve en mal d'enfant, la mère de Matt repliée sur son deuil, son patron le vieux Roland et son fils Jarms définitivement abimé par l’abandon de sa mère.. Des portraits d’hommes et de femmes forts mais blessés par la vie, tous en manque de l'essentiel, l'amour; des êtres parfois primitifs, façonnés par la Nature impitoyable, par cette terre belle mais meurtrière qui exige d’eux d’être durs au mal, à la souffrance. Des êtres violents jusqu’à la folie, et prêts au meurtre; des relations entre hommes et femmes parfois bestiales ... et pourtant dans cet univers noir,  la tendresse et l'amour véritable peuvent naître et durer.  Et c'est justement parce que l'amour existe, celui de Matt et de Wendy, celui de Roland pour les bébés, que l'espoir renaît et nourrit le récit.

On ne peut qu’être secoué par ce récit haletant qui croisent des destinées terribles racontées sans concession, sans apitoiement, dans un style qui va droit au but et appuie là où cela fait mal. J’avoue que j’ai eu de temps en temps un rejet de ces personnages, de leurs excès, leur brutalité, leurs actes barbares. Mais le talent de Bruce Holbert est incontestable et ne peut laisser indifférent et sa voix résonne longtemps après la fin du livre.


mardi 8 septembre 2015

Pete Fromm : Lucy in the Sky



Bien sûr, Pete Fromm, pour moi, c’est d’abord l’inoubliable Indiana Creek et aussi Avant la nuit. C'est le premier auteur qui m’aura amenée à m’intéresser à des histoires de pêche (ou plutôt de pêcheurs) car le sujet de ses livres c’est avant tout l’humain  : c’est à dire nous!
Avec Lucy in the Sky  - qui est un clin d’oeil à la chanson des Beatles- , paru aux éditions Gallmeister, Pete Fromm brosse avec beaucoup de vérité le portrait d’une jeune fille de 14 ans. Pour Lucy, la métamorphose de l'adolescence est un processus douloureux.  La fin de l’enfance, c’est la découverte de la mésentente de ses parents : un père, bûcheron, qui quitte la maison une grande partie de l’année et qui ne témoigne de son affection que par un mot derrière une carte ! Une mère, mariée jeune, qui ne peut plus supporter l’attente, qui meuble sa solitude avec les amants d’un moment. Et puis le corps de Lucy change, la voilà embarrassée par les attentions des garçons, une nouveauté qu’elle accepte mal, elle qui  a toujours eu la tête rasée par son père et qui s’est toujours comportée comme celui-ci le souhaitait, en garçon. Les rapports sexuels sont pour elle une source de tourments et elle se défend de « finir » comme sa mère. Elle ne veut pas tomber dans le piège de l’amour et se retrouver mise de côté, en attente!
Le roman de Pete Fromm est très bien écrit. L'atmosphère de Greats Falls, petite ville du Montana, est bien rendue. La condition féminine aux Etats-Unis dans les classes populaires n’a pas de quoi faire rêver et l’écrivain excelle à faire vivre devant nous ces femmes qui ont dû assumer une maternité non souhaitée alors qu’elles étaient trop jeunes et qui se retrouvent bien vite seules et sans rêves. Il semble qu’il y ait là un déterminisme social et il est très difficile d’y échapper d’où la révolte de Lucy. Mais c’est une fille qui n’a pas froid aux yeux et le dénouement nous laisse sur un interrogation plutôt positive : Peut-être s’en sortira-t-elle?
J’ai donc bien aimé ce livre mais moins que les autres oeuvres de l’auteur, peut-être parce qu’il traite d’un sujet moins original et que j’ai déjà retrouvé dans de nombreux romans américains. Ce qui ne l'empêche pas d'être réussi!

Pete Fromm est un des auteurs favoris des libraires indépendants américains : il a été 5 fois lauréat du prix des libraires du Pacifique Nord-Ouest (PNBA Award), y compris avec Lucy in the Sky.
Ce livre a obtenu un succès critique important à sa sortie aux États-Unis, notamment pour la finesse et la profondeur des personnages féminins. Il vient d’être adapté au cinéma avec Claire Danes dans un des rôles principaux. (Editions Gallmeister)







vendredi 4 septembre 2015

James McBride : L'oiseau du Bon Dieu

L'oiseau du bon dieu James MC Bride
Pour cette rentrée littéraire 2015, il me fallait un livre d’un auteur américain, étant donné que la littérature américaine m’a toujours séduite par sa richesse, sa diversité, son originalité et ses racines profondément enfoncées dans le terreau humain et social. J’ai donc choisi le livre de James Mc Bride paru aux éditions Gallmeister, récompensé par le National Book Award en 2013  : L’oiseau du bon dieu  et je n’ai pas été déçue! Quel roman à la fois hilarant et grave, profond, généreux et humain!

John Brown personnage principal du roman De James Mcbride : L'oiseau du Bon Dieu
John Brown

Nous sommes en 1856, James McBride place son héros, un garçon noir d’une douzaine d’années, auprès d’un personnage historique John Brown dont la figure légendaire marque un moment de l’histoire des Etats-Unis et de la lutte contre l’esclavage. C’est ce même John Brown, condamné à mort en 1859  par le gouvernement américain, qui a inspiré l’hymne chanté par les nordistes en son honneur pendant la guerre de Sécession en 1861. Ce personnage hors du commun a fait avancer par son action la cause des abolitionnistes.

 Henry Sackleford, petit esclave, est enlevé contre son gré par John Brown qui le prend pour une fille (et quand John Brown est persuadé d'une chose, rien ne le fera jamais changer d’avis) et c’est donc sous les vêtements de fille que « Henrietta »  dit Echalote, va suivre (tout en cherchant à  lui échapper) ce personnage haut en couleur, calviniste convaincu, exalté, illuminé puisqu’il tient sa mission de Dieu lui-même avec qui il est en conversation directe.
Illuminé, oui, fanatique, oui, complètement à la masse, oui, mais John Brown est absolument sincère dans son désir d’abolir l’esclavage et profondément convaincu de l’égalité des races comme des sexes. Et, bien sûr, voilà qui le rend profondément sympathique encore que... ne vous y trompez pas! Quand John Brown décide d’agir, le sang coule et  son « armée » qui rassemble une poignée d’aussi fous que lui, composée en grande partie de ses fils, sème la terreur!  Son dieu est celui de l’Ancien Testament, oeil pour oeil, et il est persuadé que seule la violence pourra venir à bout de l’esclavage. Il n’a pas tort, d’ailleurs! Il a fallu une guerre civile, une des plus meurtrières de l’histoire des Etats-Unis, pour y parvenir!
L’oiseau du bon dieu a tout du roman picaresque puisque le jeune héros subit une rude initiation à la suite de son mentor parcourant les états du Kansas et de Virginie mais aussi les grandes villes de Philadelphie, de NewYork et du Canada, et échouant même pour un temps dans un bordel. Il y a des moments hilarants même si l’humour est souvent féroce. Le portrait de John Brown vu par Echalote qui ne le comprend pas mais l’observe avec un bon sens terre à terre est désopilant! Les personnages sont passionnants. On s’intéresse aux tribulations d’Echalote, à ses aventures marquées par des hauts et des bas. L’enfant est souvent plein de défauts, d’égoïsme, et de faiblesses; il est beaucoup plus prompt à essayer de sauver sa peau qu’à accomplir des actes héroïques mais il a une humanité, des sentiments qui fait qu’on le trouve attachant. Quant aux actes héroïques, ils sont accomplis par les autres, la noire Sibonia pendue pour s’être rebellée ou Harriett Tubman qui impressionne même John Brown! Et cela, il faut le faire! 

Harriet Tubman, esclave libérée, héroïne du chemin de fer clandestiin.

 Le roman, pourtant, n’hésite pas à poser les responsabilités des uns et des autres : Les blancs remplis de haine et de mépris, les noirs, étant les derniers à venir secourir la lutte de John Brown surtout ceux qui, libérés et instruits, semblent plus habiles dans l’art oratoire que dans la bataille! Ainsi Frédérik Douglass que McBride semble avoir dans son collimateur!

En lisant L’oiseau du bon dieu j’ai pensé à  Beloved de Toni Morrison et bien que le style des  deux écrivains soient aux antipodes, j’ai retrouvé ici l’art de nous faire vivre  par l’intérieur ce qu’est l’esclavage, de nous faire sentir comment il détruit la personnalité, comment il sape la confiance, la dignité. Un excellent roman, donc!

J'en étais venu à aimer ces discussions, vu que, même si je m'étais habitué à vivre un mensonge -être une fille-, pour moi les choses étaient claires : être Noir, c'est un mensonge, de toute façon. Personne ne vous voit tel que vous êtres vraiment. Personne sait qui vous êtes à l'intérieur. Vous êtes jugé sur ce que vous êtes à l'extérieur, quelle que soit votre couleur. Mulâtre, brun, noir, peu importe.

Pour moi, tout ce qu'il disait n'avait ni queue ni tête et je devais apprendre plus tard que le vieux John Brown pouvait mêler le Seigneur à pratiquement n'importe quel aspect de ses activités dans la vie, y compris l'utilisation des lieux d'aisances. C'était une des raisons pour lesquelles j'étais pas croyant, ayant été élevé par P'pa, qui lui était croyant et cinglé, et il me semblait que ces deux choses-là  allaient ensemble. Mais j'étais pas bien placé pour discuter avec un homme blanc, surtout celui qui m'avait kidnappé, alors j'ai tenu ma langue.


James McBride
 James McBride est né en 1957. Écrivain, scénariste, compositeur et musicien de jazz, il est saxophoniste au sein du groupe Rock Bottom Remainders. Il publie son premier livre en 1995, La Couleur d’une mère, un récit autobiographique devenu aujourd’hui un classique aux États-Unis. Son œuvre romanesque commencée en 2002 plonge au coeur de ses racines et de celles d’une Amérique qui n’a pas fini d’évoluer. L’Oiseau du Bon Dieu est son dernier roman. (Editions Gallsmeister)


Frédéric Douglass, personnage secondaire du roman de James MCBride : L'oiseau du Bon Dieu
Frédéric Douglass, esclave libéré, orateur, homme politique


jeudi 4 septembre 2014

David Vann : Dernier jour sur terre



David Vann ne fait jamais dans la guimauve! C'est le moins que l'on puisse dire! J'en étais restée à ses Désolations, livre qui m'avait pas mal secouée  et le voilà qui récidive avec une biographie  qui porte le titre bien approprié d'une chanson de Marylin Manson  : Dernier jour sur la terre ou Last day of summer.
Vous jugerez du livre d'après l'incipit qui donne le ton : Après le suicide de mon père, j'ai hérité de toutes ses armes à feu. j'avais treize ans". Cela fait froid dans le dos, non? et ce qui suit encore bien plus!
Car le petit David Vann traumatisé par le suicide du papa décaroche pas mal. Il s'amuse à tirer sur les lampadaires du lotissement  voisin. Il lui arrive même de viser le voisin avec la Magnum 300. Qu'est qui le retient d'appuyer sur la gâchette? Pourquoi a-t-il été échappé à l'irrémédiable et qu'est-ce qui a poussé, au contraire, Steve Kazmierczak, un jeune homme de 27 ans à aller jusqu'au bout, à devenir ce tueur de masse qui tire sur des étudiants de North lllinois University le 14 février 2008?
David Vann mène une enquête approfondie en étudiant les archives transmises par la police, le courrier de Steve et de ses ami(e)s, mais aussi en rencontrant les  professeurs et les familiers de Steve, tous persuadés que celui-ci était un homme intelligent, gentil, incapable de commettre un tel meurtre. Et pourtant, l'enquête de Vann dévoilera les zones obscures du tueur, les haines racistes qui le rongeaient, les angoisses qui l'étouffaient, les Tocs dont il souffrait et sa maladie mentale qui n'a cessé de s'aggraver d'année en année.

Hungry Horse : petite ville du Montana : de Pieter Ten Hoopen (Rencontres d'Arles 2014)
Si David Vann s'intéresse à ce cas, ce n'est pas pour la recherche du sensationnel ou par morbidité. C'est pour jeter un cri d'alarme, pour dénoncer les dysfonctionnements et les aberrations des lois américaines qui permettent à chaque citoyen de s'armer. Il met en cause les mentalités  d'une grande majorité des américains prêts à entrer en guerre si l'on menace de limiter le port d'armes et la responsabilité des parents qui forment leurs enfants aux armes à feu dès leur plus tendre enfance. David Vann a appris à tirer dès sept ans et a eu son premier vrai fusil à l'âge de neuf ans.  Steve est lui aussi initié très jeune et, en cachant sa maladie, il peut se procurer librement toutes les armes et les munitions qu'il souhaite..

"Après la fusillade de NIU, le pouvoir législatif tenta de faire passer une loi qui aurait pu limiter l'achat d'armes à poing à un pistolet par mois, ce qui impliquait tout de même qu'une personne pouvait se procurer douze armes pas an, et même cela n'a pas été voté.. Chaque fois que je roule dans Champaign pour interviewer Jessica, je vois des panneaux en bordure de route qui affirment : les armes sauvent des vies. Si ça ce n'est pas de la manipulation, qu'est-ce qu'on entend alors par "manipulation"?

Pèse aussi dans la balance la maladie mal soignée, la bipolarité de Steve encore accentuée par l'abus des médicaments, par l'impuissance des parents,  par le rejet des autres face à l'étrangeté ou la bizarrerie. Les structures qui sont censées encadrer ces malades mentaux ne sont pas la hauteur et finissent, après les avoir abrutis de médicaments, par les laisser partir sans soin dans la nature! Son passage dans l'armée aggrave encore son état!
Les idéologies de la haine que ce soit celle du nazisme ou du Ku Kux Klank ainsi que les films violents qui aboutissent à une insensibilité et à une accoutumance au Mal jouent aussi un grand rôle  dans la dérive du tueur de masse. On sait que Steve Kazmierczak y était accro!  L'on peut y ajouter ce que David Vann appelle "la honte sexuelle", une homosexualité mal vécue ou un viol dès l'enfance qui génère un comportement déviant. Tous ces facteurs semblent avoir pesé sur Steve et l'ont transformé en monstre.

Mais on ne naît pas "tueur de masse", on le devient et il faut des années pour en arriver à ce point de non retour.  Il est beaucoup plus facile de dire que Steve Kazmierczak était un monstre et que l'on ne pouvait rien faire pour l'éviter. Cela évite de poser les responsabilités. Pourtant Steve a essayé de se suicider à maintes reprises. C'est ce que rappelle David Vann et son livre résonne comme un cri d'alarme un peu désespéré, un avertissement qui semble bien ne pas avoir beaucoup d'échos dans son pays. Un livre marquant.

Il s'avère que je n'ai pas tant de points communs avec Steve. Je ne partage ni son racisme, ni son libertarisme, ni son amour des films d'horreur, sa fascination pour les tueurs en série, le service militaire, la sexualité ambivalente, les rencontres obsessionnelles sur le Net, les prostituées, les médicaments, le passé psychologique troublé, les amis dealers, la mère dérangée, l'intérêt pour les maisons d'arrêt, etc. Mais j'ai hérité  des armes paternelles à treize ans, à l'époque où je débordais d'hormones, où le monde n'avait plus aucune importance à mes yeux depuis que mon père avait porté son arme à sa tête. Je n'avais rien à perdre. Et j'avais été le témoin de beaucoup de violence.



Lire pour en savoir plus l'interview donné au Nouvel Obs par David Vann : "Les américains sont trop débiles..."



Merci à la Librairie dialogues et aux éditions Gallmeister 

Chez Titine


LIVRE VOYAGEUR : Qui veut le recevoir? inscrivez-vous dans les commentaires.

dimanche 1 juin 2014

Glendon Swarthout : Homesman



Homesman de Glendon Swarthout aux éditions Gallsmeister, que l'on peut traduire par un néologisme -  le rapatrieur - , est celui qui va être chargé de rapatrier vers l'est, dans leur famille, quatre femmes qui ont perdu la raison pendant un hiver particulièrement rigoureux dans les Grandes Plaines de l'Ouest des Etats-Unis au Nebraska. Cet homme, Briggs, n'est ni altruiste, ni volontaire! Disons qu'il y est obligé parce que Mary Bee l'a sauvé de la pendaison auquel ses vols l'avaient condamné et qu'il a juré de lui obéir. Mary Bee, une femme courageuse, a accepté de convoyer les malades à la place de leur mari. Mais elle se sent bien seule et peu apte à mener à bien sa tâche, c'est pourquoi elle s'adjoint les services de ce voleur qui ne lui inspire pourtant aucune confiance. La longue marche à travers les grands espaces déserts  commence.

Un récit loin des images d'Epinal

Nous sommes au XIX siècle siècle, la conquête de l'Ouest continue mais cela ne va pas sans dommage surtout pour les femmes qui viennent de l'Est, habituées à une vie moins rude, et qui se retrouvent isolées dans des fermes sans voisinage, coupées de du monde pendant des hivers longs, d'une rigueur extrême. En plus de des conditions de vie difficiles, de la neige, du froid, de l'inconfort des maisons, de la faim quand les provisions viennent à faire défaut et qu'une épidémie s'abat sur le troupeau, elles ont à subir des grossesses non désirées et à répétition, à accoucher toute seule et sans aide, à assister, impuissantes, à la mort de leurs enfants, et parfois à composer avec la violence physique ou morale que leur inflige leur mari. L'écrivain nous montre un monde dur pour tous mais en particulier pour les femmes, une société où la solidarité et le partage n'existent pas toujours.
C'est la première fois qu'un livre consacré au western décrit avec autant de réalisme le sort de ces femmes de pionniers qui souvent nous a été présenté à travers des images d'Epinal, héroïques et fortes face aux dangers ou bien faibles héroïnes mourant de mort violente. Mais la vie quotidienne, banale, sordide, faite de solitude, de petites souffrances répétées, et de désespoirs insondables, c'est cela que ce roman a le mérite de nous décrire. Et il y réussit très bien.

Des personnages loin des lieux communs

 Au départ, les personnages correspondent à des types : la femme de tête, seule, autoritaire, qui mène sa ferme d'une main ferme (Mary Bee), le voleur, hors la loi sans morale et sans éducation (Briggs), le pasteur, le forgeron... Mais bien vite ils échappent au lieux communs et cessent d'être des stéréotypes. Sans entrer dans les détails pour ne pas révéler la suite, on s'aperçoit que la femme et le brigand sont des êtres plus complexes que ce que l'on pensait, ce qui nous ménage des surprises au cours du récit. Le lecteur ne reste donc pas dans le cadre confortable du western classique. Les personnages évoluent selon leur caractère, leur éducation, les aléas du voyage, les difficultés rencontrées. Ils ne sont pas toujours là où on les attendait mais ils nous paraissent vrais, humains avec leurs forces et leurs faiblesses.

Une nature loin d'être idyllique

Homesman est donc un récit d'aventures qui sort des sentiers battus. Les grands espaces couverts de neige, à la végétation rare, au sol gelé, dur comme la roche, qui ne permet pas d'enterrer les corps des morts de l'hiver, sont synonymes de prison. L'immensité, les horizons sans limites, paradoxalement, ne procurent pas une impression de liberté mais d'oppression. Les individus se replient sur eux-mêmes, perdent leur vitalité et l'espoir.

J'ai beaucoup aimé la lecture de ce beau roman. Peut-être le film de Tommy Lee Jones paraît-il parfois un peu confus en ce qui concerne l'histoire des femmes devenues folles par excès de malheur? C'est plus détaillé dans le roman. Mais les acteurs qui interprètent les personnages sont excellents et la mise en images procure un sentiment d'angoisse en refusant tout idéalisme.


 
La réponse est : 
roman : Glendon Swarthout : Homesman
 film :     Tommy Lee Jones Homesman
Félicitations à Aifelle, Dasola, Eeguab, Kathel, Keisha, Pierrot Bâton, Somaja, Syl et merci à tous

Je mets le livre en voyageur pour ceux qui le souhaitent
 Samedi 7 Juin, l'énigme est toujours chez nous









Merci à la Librairie dialogues et aux éditions Gallmeister

jeudi 20 octobre 2011

David Vann : Désolations


Désolations de David Vann est un des grands livres de la rentrée littéraire. Jamais roman ne portera mieux son titre que ce récit fort et puissant mais d'une noirceur absolue.

David Vann place son récit en Alaska, dans la péninsule de Kenai, au bord d'un lac glaciaire. Gary va  réaliser son rêve en construisant la cabane où il a toujours voulu vivre, sur une île, au milieu du lac, non loin de la ville sur l'autre rive. Il entraîne dans cette aventure sa femme Irène, assez réticente à la pensée de quitter sa maison pour aller habiter dans un lieu coupé du reste du monde pendant le long hiver nordique. Malgré les maux de tête intolérables dont elle souffre, Irène va le suivre pourtant. Leur fille Rhoda s'en inquiète alors que  leur fils, Mark, ne s'en soucie pas!

Si vous attendez à partir de là un récit écologique vous vantant la beauté de la nature, le courage de cet homme et de cette femme dans leur combat face aux dangers qu'ils vont affronter, vous en serez pour vos frais. Dans Désolations - le titre est au pluriel- David Vann dresse un bilan pessimiste, de la nature abîmée par la présence humaine, des rapports entre les êtres mais aussi de la société en général. 

Désolante en effet, cette ville souillée par l'homme et d'une dureté implacable. Une ville sinistrée où les plus chanceux s'en vont pour trouver du travail, échapper à la détermination du choix qui fait de vous un pêcheur ou un employé de la conserverie de poissons, travail à la chaîne, inhumain, sans espoir, dans le froid et la saleté. Une vision sociale accablante. Tout est à l'image de ce pays désolé et sauvage ou les scories laissées par l'homme achèvent de rouiller.

Elle logea un centre commercial de plain-pied, un parking abandonné où pourrissaient une vieille voiture et d'autres débris en bordure de la forêt. Ploucland, dit-elle à voix haute.

Quant à la nature, certes elle est belle loin de la ville mais elle est surtout inhumaine, et il faut, pour y vivre, abandonner toute idée romantique :

Une belle illustration de ses trois décennies passées en Alaska, affalée dans son ciré, cachée, se faisant aussi petite que possible, chassant les moustiques qui parvenaient à voler malgré le vent. Se sentant frigorifiée, seule. Pas la vision grandiose qu'on pourrait avoir, se prélasser par une journée ensoleillée sur une pente douce couverte de lupin violet, la vue dégagée sur les montagnes environnantes.

En fait la nature est la métaphore de ce qui se passe à l'intérieur des consciences, l'enfer personnel que chaque homme ou femme porte en soi. A l'âge de la retraite Gary et Irène font le bilan de leur vie et leur échec est total. Gary a raté sa vie. Doctorant médiéviste à Berkeley, une de plus grandes université américaines en Californie, il peut toujours reporter la responsabilité de son échec sur sa femme. Il n'en est pas moins vrai qu'il s'est senti distancé dans ses études, incapable de les mener à bien. Se fixer en Alaska pour échapper au milieu universitaire, épouser Irène, institutrice de maternelle, qu'il juge inférieure à lui sur le plan intellectuel, est une fuite, non un choix de vie. La construction de la cabane est la réalisation d'un rêve mais l'on s'aperçoit bien vite qu'il n' est pas capable, non plus, de la mener à bien.
 Irène, elle, est brisée dès son enfance par le suicide de sa  mère. Si elle subit la volonté de son mari en s'isolant ainsi dans l'île au moment où un hiver rigoureux s'annonce, ce n'est pas par amour pour lui , qu'elle regarde avec une froide lucidité, mais par peur de l'abandon. Il n'y plus que haine entre eux et le huis clos dans l'île va se révéler terrifiant.
David Vanne explore avec talent le thème de la solitude de chaque être en rapport avec la nature hostile, car ce ne sont pas seulement les personnages âgées qui sont condamnés mais aussi les jeunes.
Marc, le fils de Gary et d'Irène, qui mène la vie rude des pêcheurs est lui aussi en situation d'échec; Il se saoule avec sa femme et ses amis et se drogue. Son indifférence apparente envers ses parents semble plutôt être de l'ordre de la survie. Quant à Rodha, qui est le personnage le plus positif du livre, elle est bien trop fragile pour trouver une issue, échapper à son destin. Capable d'amour et de dévouement envers ses parents, elle aime Jim, un dentiste, et espère fonder une famille avec lui. Elle ne trouvera en face d'elle que trahison, mensonge, indifférence, haine et folie. L'on peut penser raisonnablement qu'elle reproduira le schéma de vie de sa mère, les femmes de cette famille semblant condamnées d'avance par les hommes mais aussi, comme toutes les femmes, par la société qui les place au bas de l'échelle. C'est ce que pense Carl, le jeune étudiant venu en Alaska pendant les vacances pour y connaître sa première déception amoureuse, trahi par la riche et cynique Monique, obligé de prendre un emploi à la conserverie  de poissons où il ne tient même pas un jour! Le constat social est désespérant  et est résumé ainsi par le jeune homme pendant ses quelques heures de travail :

1 Ne travaille pas avec d'autre personne
2 N'exerce pas un travail manuel
3 Sois content de ne pas être une femme sur le marché du travail.
4 le contrôle de qualité n'existe pas. Tous les autres termes du monde des affaires sont aussi des conneries. Le monde des affaires est le cimetière de la pensée et des paroles.
5 Le travail ne sert qu'à gagner de l'argent. Alors trouve-toi un boulot qui aille au-delà, un boulot, qui, dans l'idéal, ne te donne pas la sensation d'en être un.

Quant aux relations entre les hommes et les femmes, elles sont toutes fondées sur des rapports de domination. L'amour n'existe pas, c'est une chimère et ceux qui se laissent aller à y croire en souffriront. Le paysage où le vent, la neige, l'eau sont hostiles, se liguent contre les humains, reflètent la désolation  de leur âme.

Un roman pessimiste, certes, mais excellent.

Voir l'avis de Choco dans Le Grenier à Livres ICI

PriceMinister

Merci à Price Minister et aux éditions Gallmeister pour l'envoi de ce livre